
Le marché des substituts de repas est florissant. Leur succès témoigne-t-il de leur efficacité ? Difficile de trancher avec certitude.
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Une nouvelle étude allemande
C’est donc à cette question que se sont attelés des chercheurs de l’Université de Freiburg en Allemagne. Ces derniers sont partis du constat suivant : les études menées sur les diabétiques de type 2 ont montré des résultats encourageants sur cette pathologie lorsqu’un ou plusieurs repas étaient remplacés par des substituts liquides, riches en protéines et faibles en glucides (les meilleurs résultats étaient d’ailleurs obtenus lorsque tous les repas étaient remplacés par des substituts).

Un essai clinique randomisé sur des patients prédiabétiques, en surpoids ou obèses
Les chercheurs ont donc voulu tester les effets de ces substituts dans le cadre d’un essai clinique randomisé multicentrique sur une cohorte de 463 patients prédiabétiques, en surpoids ou obèses. Son objectif : étudier l’efficacité propre d’un substitut de repas sur la perte de poids, et sur certains marqueurs de la santé cardiométabolique (c’est-à-dire portant sur la santé cardiovasculaire et celle du métabolisme).
Les participants ont donc été répartis aléatoirement dans 2 groupes : un groupe contrôle et un groupe d’intervention.
Les deux groupes ont reçu des instructions portant sur des changements de mode de vie : guides pour apprendre à cuisiner sainement, conseils relatifs à l’activité physique et à une hygiène de vie saine, avec notamment des encouragements pour perdre du poids. Les participants étaient d’ailleurs équipés de balances connectées ainsi que de podomètres afin de suivre en temps réel leurs différentes progressions.
En plus de ces instructions, le groupe d’intervention a bénéficié de substituts de repas liquides de 360 kcal, riches en protéines et faibles en glucides, afin de remplacer un ou plusieurs repas selon le protocole suivant :
- Pendant la première semaine, les 3 repas quotidiens étaient remplacés,
- Durant les trois semaines suivantes, seuls 2 repas étaient remplacés,
- Et enfin, durant 22 semaines, 1 seul repas était remplacé.

Pendant toute la durée de ces 26 semaines, les groupes recevaient du soutien et des visites personnelles (de 1 à 2h) afin de discuter ensemble de l’évolution des différentes mesures.
A la fin de cette période, les participants étaient libres de toute contrainte, ne bénéficiaient plus de suivi, ni de substituts de repas.
L’objectif était de voir si les résultats perduraient dans le temps. Les participants ont tous été suivis 26 semaines supplémentaires (portant la totalité de l’étude à un an).
Quels sont les résultats ?
Variations de poids respectives des deux groupes durant les 56 semaines de l’étude

Au bout d’un an (à ce stade de l’étude, il ne restait plus que 317 participants), les résultats tranchent en faveur du groupe d’intervention, avec une perte de poids de 4,4 kg en moyenne contre 2,7 kg dans le groupe contrôle.
Soit une différence moyenne de 1,8 kg et une réduction significative des marqueurs du risque cardiovasculaire.
Les points forts et les faiblesses de l’étude
L’étude a, sans aucun doute, des points forts
Premièrement, elle est réalisée avec un nombre conséquent de patients, dans plusieurs centres de soins et avec un design randomisé, ce qui limite considérablement la pollution des résultats par des facteurs de confusions.
Aussi, cette expérience a été conduite sur une année entière, ce qui est un bon moyen d’évaluer les résultats à court et à moyen terme.
Enfin, l’expérience se déroule dans la vraie vie, ce qui accroît sa force quant à son application dans le monde réel, mais vient aussi lui conférer quelques faiblesses.
Quelles sont ces faiblesses ?
De fait, en raison de la complexité de la vie réelle, les investigateurs n’ont pas pu contrôler toutes les potentielles variations de calories ou de macronutriments ingérés par les participants. En effet, des études antérieures suggèrent que les patients obèses sont plus sujets à commettre des erreurs lorsqu’ils rapportent ce qu’ils ont mangé.
De plus, se pose la question du long terme. Si ces interventions peuvent sembler utiles pour accélérer le processus de perte de poids, des études antérieures démontrent qu’après des régimes, la majorité des individus reprennent le poids perdu dans les dix ans qui suivent.
Pour finir, il s’agit d’un essai “en ouvert” (“open trial” en anglais), puisque chercheurs et patients savent qui prend les substituts et qui ne les prend pas, ce qui réduit un peu la force de l’étude.
Que faut-il retenir de cette étude ?
Sans suivi actif, la perte de poids ralentit, voire s’inverse
C’est d’ailleurs ce que semblent montrer les résultats de cette étude. En effet, la perte de poids des deux groupes à 12 semaines est de 5,8 kg pour le groupe d’intervention et de 2,7 kg pour le groupe contrôle, soit une différence de 3,2 kg. A 26 semaines, à la fin de l’intervention, cet écart s’est réduit à 2,9 kg. Pendant les 26 semaines suivantes, cet écart va se réduire encore plus et arriver donc à 1,8 kg.
Cela signifie que, sans suivi actif, la perte de poids ralentit, voire s’inverse. En effet, durant les 26 derniers mois, le groupe de contrôle va reprendre en moyenne 300 grammes, alors que le groupe d’intervention va reprendre 1,5 kg !
Que ce serait-il passé si le suivi avait continué 6 mois de plus ? On peut supposer qu’au bout d’un temps suffisamment long, les deux groupes auraient fini par se rejoindre.
Réussir à stabiliser le poids obtenu reste le plus grand défi
Cela signifie donc, et ce n’est pas une surprise, que le plus grand défi de la perte de poids est de réussir à stabiliser le poids obtenu, c’est-à-dire de poursuivre ses efforts dans le temps.
C’est d’ailleurs ce que concluent les chercheurs en disant que plus le temps d’intervention est long, et plus le soutien apporté aux participants est important, plus la perte de poids sera conséquente.
Quel impact psychologique et émotionnel sur le long terme ?
De fait, si ces substituts de repas devaient être consommés durant toute la vie, comme un traitement contre les maladies chroniques pour que le poids reste stable, il serait bon de connaître leur impact sur le plaisir de manger et sur l’état psychologique des participants, non évalués dans cette étude.

Quelques réserves
Pour finir, il faut garder à l’esprit que, d’une part, ces résultats, émanant d’un essai randomisé, ne concernent que les patients qui possèdent les mêmes caractéristiques que ceux de la cohorte et que, d’autre part, l’expérience a été financée par une entreprise commercialisant des substituts de repas.
Pour autant, les auteurs font partie d’une Université publique, et les analyses statistiques des résultats ont été réalisées par un institut indépendant.
Que montre cette étude ? Que lorsque l’on est en surpoids ou obèse, les substituts de repas peuvent apporter une aide substantielle à la perte de poids, dans le cadre d’un programme d’accompagnement permettant d’adopter un mode de vie plus sain.
Cela n’a rien de miraculeux en soi, car à 360 kcal par substitut, la baisse du total calorique sur la journée est fortement accrue.
Cela pourrait donc être utile pour des cas particuliers où une perte de poids rapide apparaît souhaitable, afin d’éviter certaines complications ou comorbidités.
Néanmoins, comme pour tout régime, à moins de poursuivre ses efforts sur le long terme, les résultats ne seront pas pérennes, et l’impact psychologique et émotionnel de ces substituts peut s’avérer potentiellement délétère à la longue.
Ce sont des sujets complexes, et d’ailleurs pour ceux qui veulent en savoir plus sur la perte de poids, nous avons écrit une série d’articles sur le sujet !
Référence
Halle M, Röhling M, Banzer W, Braumann KM, Kempf K, McCarthy D, Schaller N, Predel HG, Scholze J, Führer-Sakel D, Toplak H, Berg A; ACOORH study group. Meal replacement by formula diet reduces weight more than a lifestyle intervention alone in patients with overweight or obesity and accompanied cardiovascular risk factors-the ACOORH trial. Eur J Clin Nutr. 2020