
Pour choisir un bon multivitamines, il faut tout autant être attentif(ve) aux ingrédients à privilégier qu’aux ingrédients à éviter ! En effet, un certain nombre d’entre eux sont encore trop souvent présents dans les multivitamines « tout-en-un » alors que rien ne le justifie…
_
Au sommaire :
2. Dans ce 2ème épisode, nous allons voir les ingrédients à éviter.
Avant tout chose, comme dans la partie précédente, précisons que cet article présente forcément un certain parti pris, puisque nous proposons nous-mêmes nos propres multivitamines dans notre nuShop. Nous l’assumons sans détour !
Pas de fer dans un multivitamines !
Vous avez bien lu. Certaines personnes s’étonnent encore de cela, ayant le sentiment que ce minéral est absolument essentiel, ce que nous avons probablement hérité en partie de notre cher “Popeye” 😉
Le fer joue en effet un rôle majeur, mais…
Ce n’est d’ailleurs pas faux, puisque le fer joue un rôle majeur dans le transport de l’oxygène, ainsi que dans le fonctionnement des défenses immunitaires. Un déficit en fer peut également entraîner une baisse de l’énergie et des capacités intellectuelles.
En excès, le fer peut devenir pro-oxydant
Néanmoins, le fer est aussi un puissant oxydant, c’est-à-dire qu’il produit des radicaux libres. C’est en particulier un catalyseur d’une réaction menant à la formation du radical hydroxyle32, l’un des plus toxiques pour l’ADN et le corps humain.
Plusieurs études ont montré que des apports ou des stocks en fer plus élevés sont associés à des risques accrus de cancers et de maladies cardio-vasculaires33,34,35,36. Il y a quelques années, l’étude Iowa Women’s Health Study, menée sur plus de 41.000 femmes, a confirmé que celles qui utilisaient un complément alimentaire comportant du fer avaient une mortalité plus élevée que les autres.
La réaction de Fenton
Par ailleurs, lorsqu’ils se trouvent associés, le fer catalyse l’oxydation de la vitamine C, ce qui a pour effet de détruire cette dernière et de générer des radicaux libres37,38. Le résultat est alors exactement l’inverse que l’effet escompté, en créant une véritable bombe oxydative ! Ce phénomène est connu sous le nom de réaction de Fenton.
Une complémentation en fer doit être supervisée par un médecin
Par conséquent, si vous manquez de fer (par exemple pendant la grossesse ou la croissance), il est bien entendu important de corriger ce déficit. Mais dans ce cas précis, toute complémentation en fer doit être réalisée sur prescription médicale.
Mise à part cette situation bien précise, il apparaît inutile, voire même dangereux39,40,41,42,43,44,45, lorsqu’il n’y a pas de déficit observé, de proposer du fer de manière systématique dans un multivitamines, comme c’est le cas dans la grande majorité des produits “tout-en-un” présents sur le marché.
Dit autrement : aux doses telles qu’on peut les trouver dans un multivitamines, au mieux c’est inutile, au pire c’est nuisible.
Pas de cuivre, ni de manganèse
A peu près pour les mêmes raisons que pour le fer en fait, mais de manière un peu moins catégorique, il faut bien l’avouer.
En effet, un déficit important en cuivre entraînerait une augmentation du stress oxydatif par les radicaux libres. Mais une telle situation apparaît rare de nos jours, et un excès de cuivre s’avère beaucoup plus fréquent. Or, un tel excès pourrait lui aussi entraîner une augmentation du stress oxydatif46.
Il en est de même pour le manganèse, qui pourrait lui aussi se montrer pro-oxydant à forte dose47, et dont les déficits sont rares.
A partir de là, une supplémentation en ces 2 minéraux ne devrait être prescrite qu’en cas de déficit réellement observé, ou dans des cas particuliers.
Pas de dioxyde de titane, ni de colorants
La plupart des colorants usuels sont synthétiques, et certains de ces colorants de synthèse peuvent présenter des risques ou effets indésirables.
En particulier, le dioxyde de titane, très couramment utilisé pour rendre la couleur des gélules opaque, est classé dans la catégorie 2B des ingrédients potentiellement cancérigènes par le CIRC.
Quoi qu’il en soit, pourquoi continuer à colorer les gélules ?
La réponse relève probablement du choix marketing d’avoir une belle gélule colorée, plutôt que d’assumer la couleur naturelle des ingrédients, qui pourrait être considérée comme disgracieuse.
Pas d’acide folique, ni de vitamine E synthétique
Nous y reviendrons en détail dans le 3ème épisode, mais certaines formes sont à éviter, voire à proscrire pour certaines : beta-carotène synthétique, vitamine E synthétique et acide folique (qui est la forme synthétique de la vitamine B9).
Pas de chrome dans un multivitamines
De nouvelles études sur le chrome
Le chrome a longtemps été considéré comme minéral essentiel. On lui attribuait notamment des effets sur la régulation de la glycémie.
Mais les études qui montraient des bénéfices soulevaient des questions. Aussi, des études plus robustes ont été conduites au fil des ans, et une importante méta-analyse résume les conclusions :
Il n’y a aucun effet significatif du chrome sur la régulation de la glycémie, pas plus chez les diabétiques que les non diabétiques48.
La conclusion de l’EFSA
L’EFSA (l’Autorité européenne de sécurité des aliments) a mené elle-même une revue extensive de la littérature scientifique à ce sujet. La conclusion là aussi est claire :
Le chrome trivalent Cr(III) a été postulé comme étant nécessaire à l'efficacité de l'insuline dans la régulation du métabolisme des glucides, des lipides et des protéines. Cependant, le(s) mécanisme(s) de ces rôles et la fonction essentielle du Cr(III) dans le métabolisme n'ont pas été prouvés. Dans la seule étude pour laquelle des informations sur l'apport total de chrome étaient disponibles, il n'y avait aucune différence dans les paramètres du métabolisme du glucose des sujets normoglycémiques entre les groupes placebo et supplémentées en chrome. Le groupe scientifique a considéré qu'il n'y avait aucune preuve d'effets bénéfiques associés à la consommation du chrome chez des sujets sains.
De fait, rien ne semble plus justifier la présence de chrome dans un multivitamines.
Pour choisir un bon multivitamines, vérifiez bien si dans la composition, les ingrédients suivants ne sont pas présents :
- Pas de fer, de cuivre, ni de manganèse, qui peuvent s’avérer pro-oxydants lorsqu’ils se retrouvent en excès dans l’organisme.
- Pas de dioxyde de titane, potentiellement nocif et dans tous les cas inutile.
- Pas d’acide folique (= forme synthétique de la vitamine B9), ni de vitamine E synthétique, ni de beta-carotène synthétique, potentiellement néfastes et en tout cas moins bien assimilés.
- Pas de chrome, qui n’a pas montré de quelconque bénéfice dans la littérature scientifique.
Dans le 3ème et dernier épisode, nous verrons pour chaque ingrédient, quelles sont les formes à privilégier !
Références scientifiques
32. Slivka et al. Hydroxyl radicals and the toxicity of oral iron. Biochem Pharmacol. 1986
33. Stevens et al. Body iron stores and the risk of cancer. N Engl J Med. 1988 Oct
34. Selby et al. Epidemiologic evidence of an association between body iron stores and risk of cancer. Int J Cancer. 1988
35. Esen et al. Serum ferritin: a tumor marker for renal call carcinoma. J Urol. 1991
36. Rosenberg et al. Perioperative blood transfusions are associated with increased rates of recurrence and decreased survival in patient with high grade soft-tissue sarcomas of the extremities. J Clin Oncol. 1985
37. Buettner. Ascorbate autoxidation in the presence of iron and copper chelates. Free Radic Res Commun. 1986
38. Almaas et al. Ascorbic acid enhances hydroxyl radical formation in iron-fortified infant cereals and infant formulas. Eur J Pediatr. 1997
39. Rehman et al. The effects of iron and vitamin C co-supplementation on oxidative damage to DNA in healthy volunteers. Biochem Biophys Res Commun. 1998
40. Fisher et al. Vitamin C contributes to inflammation via radical generating mechanisms: a cautionary note. Med Hypotheses. 2003
41. Fisher et al. Iron supplements: the quick fix with long-term consequences. Nutr J. 2004
42. Lee et al. Interaction among heme iron, zinc, and supplemental vitamin C intake on the risk of lung cancer: Iowa Women’s Health Study. Nutr Cancer. 2005
43. Kell. Iron behaving badly: inappropriate iron chelation as a major contributor to the aetiology of vascular and other progressive inflammatory and degenerative diseases. BMC Med Genomics. 2009
44. Kell. Towards a unifying, systems biology understanding of large-scale cellular death and destruction caused by poorly liganded iron: Parkinson’s, Huntington’s, Alzheimer’s, prions, bactericides, chemical toxicology and others as examples. Arch Toxicol. 2010
45. Jakszyn et al. Dietary intake of heme iron and risk of gastric cancer in the European prospective investigation into cancer and nutrition study. Int J Cancer. Int J Cancer. 2012
46. Houot O. et al., « Cuivre et cancer », in Chappuis P, Les oligoéléments en médecine et biologie, EMI, Paris, 1991 : 347-397
47. Lafond J.L., « Le manganèse », in Chapuis P, Les oligoéléments en médecine et biologie, EMI, Paris, 1991 : 523-535.
48. Bailey CH. Improved meta-analytic methods show no effect of chromium supplements on fasting glucose. Biol Trace Elem Res. 2014