
Précédemment, nous avons évoqué la synergie alimentaire qui existe entre le fer et la vitamine C. Dans ce deuxième épisode, nous allons nous pencher sur celle entre les caroténoïdes et les matières grasses.
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Au sommaire :
- Le fer et la vitamine C
- Les caroténoïdes et les matières grasses
- Les crucifères et la myrosinase (moutarde, raifort, wasabi, etc.)
Les caroténoïdes, c’est quoi ?
Les caroténoïdes sont une famille de pigments de couleurs variées qu’on trouve chez les plantes et les animaux allant du vert (épinards) à l’orange (astaxanthine du saumon).
Ces phytonutriments ont une structure chimique en longue chaîne carbonée insaturée, ce qui leur donne deux caractéristiques notables :
- Ils ont des électrons disponibles pour des réactions de réduction : ce sont donc des molécules antioxydantes ;
- Ils sont solubles dans les lipides.

De fait, les caroténoïdes sont connus pour être fortement antioxydants, leur champion étant le lycopène, contenu surtout dans la tomate. Ce dernier a montré une forte fonction protectrice contre l’oxydation aux UV, c’est-à-dire les brûlures et est une molécule d’intérêt pour les chercheurs car elle aurait des propriétés anti-cancer intéressantes18,19,20,21.
Par ailleurs, certains d’entre eux, dont le très connu bêta-carotène, sont des précurseurs de la vitamine A et permettent ainsi la synthèse de ce composé par le corps humain. Rappelons que la vitamine A est un nutriment essentiel qui participe à de nombreuses fonctions telles que la vision, la reproduction, la croissance et l’immunité.
La consommation de caroténoïdes (comme le bêta-carotène, le lycopène ou la lutéine), et l’optimisation de leur absorption sont donc des problématiques d’intérêt pour les pays connaissant des problèmes de carence en vitamine A, comme certains pays d’Afrique et d’Asie du sud. C’est aussi plus basiquement un bon moyen de prévention du stress oxydatif.
Comment sont absorbées les caroténoïdes ?
Comme expliqué plus haut, les caroténoïdes sont des molécules liposolubles de grande taille. Pour être digérées, elles sont émulsionnées dans l’estomac, grâce entre autres à la bile, puis sont intégrées à ce que l’on appelle des micelles, une sorte de petit sac chimique spécialisé dans le transport des graisses. Ces micelles sont capables d’être absorbées par l’intestin et permettent l’assimilation des composés liposolubles tels que les caroténoïdes.
En lien avec ce mode d’absorption, de nombreux facteurs influent sur la réponse physiologique à l’absorption de caroténoïdes, qu’ils soient intrinsèques (i.e. liés à la physiologie du consommateur) ou extrinsèques (i.e. liés à l’environnement)22. Parmi ces derniers, on peut citer la consommation associée de matières grasses22,23.
En effet, la présence de lipides avec les caroténoïdes permet une meilleure absorption via les micelles.
L’influence des matières grasses sur l’absorption des caroténoïdes
La présence de matières grasses sous diverses formes est reconnue pour améliorer l’absorption des caroténoïdes en postprandial (c’est-à-dire après le repas) et leur conversion en vitamine A24,25. Sur le plus long terme, elle améliore aussi le statut en vitamine A26,27. Les études sont principalement menée sur le bêta-carotène et le lycopène, et utilisent des sources de gras variées telles que les avocats, l’huile de colza ou encore l’huile de coco.
D’un point de vue quantitatif, il semblerait que de petites quantités de gras suffisent à l’amélioration de l’absorption des caroténoïdes. Le point crucial est surtout que l’absence de matières grasses réduit fortement l’absorption de ces composés28,29.
Une étude d’intervention menée sur 7 sujets a montré que l’utilisation d’un accompagnement sans matières grasses ou allégé en matières grasses peut fortement limiter l’absorption d’alpha-carotène, bêta-carotène et lycopène présents dans une salade de crudités29.
Quelques idées d’associations en cuisine
À l’apéro

Des tartines de pesto maison à base de basilic frais vous garantiront un apport en bêta-carotène via le basilic, et en matières grasses bénéfiques pour la santé via l’huile d’olive.
Au repas
Des frites de patate douce cuites au four. La patate douce est très riche en bêta-carotène et l’ajout de l’huile de cuisson de votre choix (comme l’huile de tournesol oléique par exemple) en permettra une assimilation optimale. Une bonne occasion de manger des frites sans culpabiliser !

Au goûter

Un bon smoothie estival melon-abricot avec quelques cuillères de crème fraîche liquide. La même association en version crème glacée maison marche aussi, car la congélation n’altère que peu les teneurs en caroténoïdes. Allez, régalez-vous !
Teneurs en vitamine A (équivalent rétinol) :
Aliment | % VNR ER (équivalent rétinol) |
---|---|
Basilic | 65% VNR ER |
Patate douce | 177% VNR ER |
Abricot | 45% VNR ER |
Melon | 42% VNR ER |
Source : Ciqual
Ces résultats permettent en outre de souligner le danger des idées reçues nutritionnelles en ce qui concerne les matières grasses. En effet, bien que potentiellement nocives en excès (comme tout aliment !), ces dernières sont fondamentales à notre équilibre alimentaire. Les exclure des apports quotidiens comme le préconisent certains est une erreur, qui peut mener à une malabsorption de micronutriments lipidiques, comme illustré ici avec les caroténoïdes. Alors n’hésitez surtout pas à manger vos salades en sauce !
Dans le 3ème et dernier épisode de cette série, nous allons évoquer la synergie alimentaire entre le sulforaphane contenu dans les crucifères et la myrosinase de la moutarde ou du wasabi.
On n’écrit pas nos articles dans le but de vendre des produits, mais tellement de lecteurs passent à côté qu’on a décidé de les mettre davantage en avant, pour ceux que ça intéresse. Et puis, on ne peut quand même pas nous reprocher de proposer des produits au top ! 😉
Références
18. Grabowska 2019 : Grabowska M , Wawrzyniak D , Rolle K , et al. Let food be your medicine: nutraceutical properties of lycopene. Food Funct. 2019;10(6):3090-3102. doi:10.1039/c9fo00580c
19. Gajowik 2014 : Gajowik A, Dobrzyńska MM. Lycopene – antioxidant with radioprotective and anticancer properties. A review. Rocz Panstw Zakl Hig. 2014;65(4):263-271.
20. Aust 2005 : Aust O, Stahl W, Sies H, Tronnier H, Heinrich U. Supplementation with tomato-based products increases lycopene, phytofluene, and phytoene levels in human serum and protects against UV-light-induced erythema. Int J Vitam Nutr Res. 2005;75(1):54-60. doi:10.1024/0300-9831.75.1.54
21. Stahl 2001 : Stahl W, Heinrich U, Wiseman S, Eichler O, Sies H, Tronnier H. Dietary tomato paste protects against ultraviolet light-induced erythema in humans. J Nutr. 2001;131(5):1449-1451. doi:10.1093/jn/131.5.1449
22. Moran 2018 : Moran NE, Mohn ES, Hason N, Erdman JW Jr, Johnson EJ. Intrinsic and Extrinsic Factors Impacting Absorption, Metabolism, and Health Effects of Dietary Carotenoids. Adv Nutr. 2018;9(4):465-492. doi:10.1093/advances/nmy025
23. Elvira-Torales 2019 : Elvira-Torales LI, García-Alonso J, Periago-Castón MJ. Nutritional Importance of Carotenoids and Their Effect on Liver Health: A Review. Antioxidants (Basel). 2019
24. Unlu 2005 : Unlu NZ, Bohn T, Clinton SK, Schwartz SJ. Carotenoid absorption from salad and salsa by humans is enhanced by the addition of avocado or avocado oil. J Nutr. 2005;135(3):431-436. doi:10.1093/jn/135.3.431
25. Kopec 2014 : Kopec RE, Cooperstone JL, Schweiggert RM, et al. Avocado consumption enhances human postprandial provitamin A absorption and conversion from a novel high-β-carotene tomato sauce and from carrots. J Nutr. 2014;144(8):1158-1166. doi:10.3945/jn.113.187674
26. Ribaya 2007 : Ribaya-Mercado JD, Maramag CC, Tengco LW, Dolnikowski GG, Blumberg JB, Solon FS. Carotene-rich plant foods ingested with minimal dietary fat enhance the total-body vitamin A pool size in Filipino schoolchildren as assessed by stable-isotope-dilution methodology. Am J Clin Nutr. 2007;85(4):1041-1049. doi:10.1093/ajcn/85.4.1041
27. Drammeh 2002 : Drammeh BS, Marquis GS, Funkhouser E, Bates C, Eto I, Stephensen CB. A randomized, 4-month mango and fat supplementation trial improved vitamin A status among young Gambian children. J Nutr. 2002;132(12):3693-3699. doi:10.1093/jn/132.12.3693
28. Van het hof 2000 : van Het Hof KH, West CE, Weststrate JA, Hautvast JG. Dietary factors that affect the bioavailability of carotenoids. J Nutr. 2000;130(3):503-506. doi:10.1093/jn/130.3.503
29. Brown 2004 : Brown MJ, Ferruzzi MG, Nguyen ML, et al. Carotenoid bioavailability is higher from salads ingested with full-fat than with fat-reduced salad dressings as measured with electrochemical detection. Am J Clin Nutr. 2004;80(2):396-403. doi:10.1093/ajcn/80.2.396