
Tous les régimes engendrent le fameux et redouté effet yo-yo, qui nous fait reprendre nos kilos aussi vite qu’on les a perdus. Quelles sont les explications de cet engrenage redoutable ? Comment l’éviter ? Toutes les réponses dans cet article de notre diététicien-nutritionniste Laurent Buhler.
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D’abord, quelques pistes explicatives…
L’effet yo-yo, qu’est-ce que c’est ?
C’est un effet connu de toutes celles (et ceux) qui ont un jour essayé de faire un régime. On a quelques kilos à perdre, alors on pioche dans un magazine féminin le dernier régime à la mode et, au prix de quelques efforts, on parvient à faire bouger la balance dans le bon sens. Satisfait du résultat obtenu, on se dit que l’on peut alors reprendre une alimentation “normale ».
C’est en général à ce moment-là que les choses ne tournent pas comme prévu : en quelques semaines (parfois même en quelques jours), on reprend ce que l’on avait “chèrement” perdu, et souvent même un petit kilo supplémentaire vient s’ajouter au poids d’avant régime : ainsi le poids baisse et remonte, comme un yo-yo.
Mais pourquoi diable reprend-on le poids qu’on avait perdu, et parfois même plus ? C’est ce que nous allons tenter de vous expliquer…
La notion de dépense énergétique
Le simple maintien en état de fonctionnement de notre organisme, en dehors de toute activité physique, nécessite une certaine quantité d’énergie. C’est ce qu’on appelle la dépense énergétique de repos, ou encore le métabolisme de base (cf. notre leçon n°1 sur la balance énergétique).
Pour simplifier, cette dépense énergétique dépend de notre sexe, de notre âge, de notre taille et de notre poids. Bien qu’il existe des dispositifs complexes pour la mesurer, on utilise en nutrition des formules mathématiques qui permettent de l’évaluer1.
Prenons un exemple : une jeune femme de 25 ans, pesant 60 kg pour 1m65, aura une dépense énergétique de repos estimée à environ 1 400 kcal (ou Cal) par jour. Autrement dit, elle devra consommer quotidiennement 1 400 Calories pour maintenir son corps en état de marche.
Cette dépense énergétique de repos va évidemment être augmentée par nos activités quotidiennes. Pour prendre cela en compte, on multiplie le résultat précédemment obtenu par un coefficient d’activité, permettant d’obtenir la dépense énergétique journalière. Si la jeune femme qui nous sert d’exemple a une activité moyenne, le coefficient sera évalué à 1,62.
Au total, sa dépense énergétique journalière sera donc de : 1 400 x 1,6 = env. 2 200 Calories.
Autrement dit, elle devra consommer quotidiennement 2 200 Calories pour maintenir son corps en état de marche et accomplir ses activités quotidiennes.
Et l’effet yo-yo dans tout ça ?
Imaginons à présent que notre jeune femme décide de perdre du poids. Elle fait un régime et parvient à perdre 5 kg. C’est la première phase de l’effet yo-yo : celle où le poids diminue.
Et c’est là que nos petits calculs prennent tout leur sens. Désormais, avec 55 kg pour 1m65, sa dépense énergétique de repos sera d’environ 1 330 Calories quotidiennes. Si elle conserve la même activité, sa dépense énergétique journalière sera donc de :
1 330 x 1,6 = environ 2 100 Calories, soit 100 Calories de moins que lorsqu’elle pesait 60 kg.
100 Calories, cela peut sembler anodin, mais c’est l’équivalent d’environ 15 g de beurre ou d’une demi-portion de pâtes…
Alors que va-t-il se passer lorsque notre jeune femme va retrouver le plaisir des spaghettis sauce bolognaise, ou s’accorder enfin une noix de beurre sur ses haricots verts ?
Tout simplement, elle va se remettre à manger la même quantité de Calories que lorsqu’elle pesait 60 kg (soit 2 200 Calories, donc plus que sa « nouvelle » dépense énergétique journalière de 2 100 Calories) et assez rapidement, elle va retourner à son poids de 60 kg.
Comme si ça ne suffisait pas : les hormones s’en mêlent
Une deuxième explication de l’effet yo-yo se trouve peut-être du côté de certaines hormones qui contrôlent l’appétit et la dépense énergétique. La privation plus ou moins longue qui accompagne le régime va en effet modifier la sécrétion de certaines d’entre elles, en particulier la ghréline et la leptine. Ces deux hormones sont souvent présentées comme ayant un effet miroir, la ghréline intervenant comme stimulateur de l’appétit, et la leptine amenant au contraire la sensation de satiété.
Que se passe-t-il sur le plan hormonal lorsqu’on fait un régime ?
Des chercheurs de l’Université de Melbourne ont réunis une cinquantaine de patients obèses, puis ont mesuré leurs taux plasmatiques de leptine et de ghréline (ainsi que d’autres hormones modulatrices de l’appétit), avant de leur faire suivre un régime pendant dix semaines3.
Sans surprise, le régime a provoqué une diminution du taux de leptine (satiété), et une augmentation du taux de ghréline (appétit), ce qui s’est traduit par une augmentation de la sensation de faim. C’est-à-dire que quand on fait un régime, nos hormones nous poussent à manger plus… ce qui rend le régime difficile à tenir !
Mais ce qui est plus étonnant, c’est que les chercheurs ont effectué une nouvelle mesure, un an après l’arrêt du régime. Ils ont alors découvert que les taux des hormones de l’appétit n’étaient toujours pas revenus à la normale, et que la sensation de faim était toujours augmentée…
Et si c’était dans la tête ?
C. Peter Herman et Janet Polivy, deux chercheurs canadiens, ont développé au début des années 80 une théorie appelée “The Boundary Model », que l’on pourrait traduire par “Modèle des Limites”4.
En substance, cette théorie propose de considérer une échelle allant de la sensation physiologique de faim jusqu’à celle de satiété. Entre ces deux limites, plusieurs positions sont possibles, qui obéiraient à des facteurs non-physiologiques. C’est là qu’interviendrait la volonté de résister ou non à cette appétissante religieuse au café, qui nous attire inexorablement dans la vitrine du pâtissier.
Herman et Polivy ont mené de nombreuses études pour tester leur théorie5,6,7.
De manière générale, leurs résultats montrent que lorsqu’on fait un régime, on a tendance à craquer plus facilement en réaction à divers stimuli (visuels, olfactifs, gustatifs, situation de stress), que lorsqu’on ne fait aucun régime.
Et lorsqu’on craque, on mange significativement plus que ceux qui ne font pas de régime…
Au-delà de l’effet yo-yo
Au final, il y a de quoi être énervé lorsque tous les efforts durement consentis se retrouvent réduits à néant, quelques semaines à peine après avoir fait un régime draconien. Mais après tout, si l’on ne faisait que retrouver son poids habituel, ce ne serait peut-être pas si grave…
Hélas, comme si ça ne suffisait pas, il n’est pas rare de voir apparaître quelques kilos supplémentaires, qui s’incrustent sans avoir été invités.
A ce propos, penchons-nous de nouveau sur le cas de la leptine, évoquée quelques lignes plus haut : cette hormone se fixe sur certains récepteurs de notre cerveau afin de l’informer de notre état nutritionnel. Lorsque nous perdons du poids, notre production de leptine diminue, ce qui conduit notre cerveau à ralentir notre métabolisme9.
Pour conclure
L’effet yo-yo, c’est tout simplement l’alternance entre kilos perdus pendant un régime, et kilos repris à l’arrêt du régime. Il résulte de trois composantes principales :
- Une composante calorique : si on remange le même nombre de calories qu’avant, on retrouve le poids d’avant.
- Une composante hormonale : lorsqu’on se prive, nos hormones augmentent notre appétit.
- Une composante psychologique : à force de vouloir résister à la tentation, on finit par y céder.
Alors que faire ?
Tout d’abord, se poser les bonnes questions :
- Pourquoi veut-on perdre du poids ?
- Quel est notre degré de motivation ?
En général, notre corps fonctionne naturellement autour d’un “set point” (point d’équilibre), qui est propre à chacun et assure notre stabilité pondérale. Et si l’on vit depuis des années avec un poids stable, en mangeant à sa faim, il est légitime de se demander pourquoi on souhaite bouleverser cet équilibre.
Est-ce pour plaire au conjoint ou petit ami qui ne nous trouve pas assez bien ? Est-ce parce qu’une bonne copine laisse entendre qu’on a un peu “pris” dernièrement ? Est-ce parce qu’on voudrait ressembler à la fille de 16 ans qui fait la couverture de notre magazine favori ou au toy-boy d’une actrice en vogue ?
L’idée sous-entendue par ces questions, c’est que si l’on souhaite devenir plus mince, il faut avant tout le faire pour soi. Ce qui nous amène au point suivant…
La motivation !
Après tout, si l’objectif est juste de perdre quelques kilos pour l’été (quitte à les reprendre pour l’hiver), et que l’effet yo-yo est maîtrisé sans accumulation de poids, pourquoi pas… Il suffira de suivre un régime un peu drastique quelques semaines avant les vacances (en faisant toutefois attention aux carences). L’effort sera de courte durée et donc relativement facile à consentir.
En revanche, si on vise un objectif de minceur à plus long terme, il faut avoir conscience que l’on va chercher à modifier le fameux “set point” évoqué quelques lignes plus haut.
Il s’agit donc d’un effort de longue durée, qui va demander beaucoup de motivation.
Dans ce cas-là, il faut être prêt à prendre son temps, et faire attention à ne pas choisir n’importe quel régime !
Dans cette optique, il peut évidemment être judicieux de se faire accompagner par un professionnel de la diététique, ce qui en plus de constituer une aide précieuse pour la motivation, peut s’avérer particulièrement utile pour faire les choses bien (et en particulier, ne pas se retrouver carencé en certains nutriments essentiels). C’est d’ailleurs ce que suggère un récent rapport de l’ANSES13.
Pour conclure, rappelez-vous qu’il n’existe malheureusement pas de régime miracle, qui vous permettrait de perdre, de manière durable, un poids important en seulement quelques jours ou même quelques semaines.
Alors armez-vous de patience, et gardez à l’esprit que vos efforts sur le moyen ou le long terme, si vous faîtes les choses bien, finiront immanquablement par s’avérer payants.
Restez donc motivé(e) ! 😉

Pour ceux que cela intéresse et qui souhaitent approfondir le sujet, découvrez notre série de l’été : Comment (vraiment) perdre du poids ?
En période de régime, pensez à vous supplémenter en vitamines & minéraux essentiels !
On n’écrit pas nos articles dans le but de vous vendre des produits, mais tellement de lecteurs passent à côté qu’on a décidé de les mettre davantage en avant, pour ceux que ça intéresse. Et puis, on ne peut quand même pas nous reprocher de proposer des produits au top ! 😉
Références
- Formules de Harris & Benedict ou de Black et al.
- D’après Apports nutritionnels conseillés pour la population française, 3ème édition, éditions Tec & Doc, 2001.
- Sumithran P et al. Long-term persistence of hormonal adaptations to weight loss. N Engl J Med. 2011 Oct 27;365(17):1597-604.
- Herman CP, Polivy J. A boundary model for the regulation of eating. Res Publ Assoc Res Nerv Ment Dis. 1984;62:141-56.
- Herman CP, Polivy J, Esses VM. The illusion of counter-regulation. Appetite. 1987 Dec;9(3):161-9.
- Fedoroff IC, Polivy J, Herman CP. The effect of pre-exposure to food cues on the eating behavior of restrained and unrestrained eaters. Appetite. 1997 Feb;28(1):33-47.
- Urbszat D, Herman CP, Polivy J. Eat, drink, and be merry, for tomorrow we diet: effects of anticipated deprivation on food intake in restrained and unrestrained eaters. J Abnorm Psychol. 2002 May;111(2):396-401.
- Schur EA, Heckbert SR, Goldberg JH. The association of restrained eating with weight change over time in a community-based sample of twins. Obesity (Silver Spring). 2010 Jun;18(6):1146-52. Epub 2010 Jan 28.
- Rosenbaum M et al. Low dose leptin administration reverses effects of sustained weight-reduction on energy expenditure and circulating concentrations of thyroid hormones. J Clin Endocrinol Metab. 2002 May;87(5):2391-4.
- Considine RV et al. Serum immunoreactive-leptin concentrations in normal-weight and obese humans. N Engl J Med. 1996 Feb 1;334(5):292-5.
- Myers MG et al. Obesity and leptin resistance: distinguishing cause from effect. Trends Endocrinol Metab. 2010 Nov;21(11):643-51. Epub 2010 Sep 16.
- Fleisch AF et al. Influence of serum leptin on weight and body fat growth in children at high risk for adult obesity. J Clin Endocrinol Metab. 2007 Mar;92(3):948-54. Epub 2006 Dec 19.
- ANSES. Évaluation des risques liés aux pratiques alimentaires d’amaigrissement. Rapport d’expertise collective. Novembre 2010.