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Comment la caféine vous empêche de dormir ?
Le café est la boisson la plus consommée au monde après l’eau et le thé, et pourtant les mécanismes par lesquels il peut impacter notre cerveau et notre sommeil restent méconnus du grand public. Découvrons comment la caféine peut vous empêcher de dormir, et nos conseils pour une consommation intelligente qui préserve la qualité de votre sommeil.
Par Benjamin Dariouch, Journaliste scientifique & consultant en nutrition
Publié le 9 novembre 2024
L’adénosine, la molécule clé de notre envie de dormir
Pression d’éveil, pression de sommeil et adénosine
Pour bien comprendre les effets de la caféine sur votre sommeil, vous devez tout d’abord connaître un concept fondamental sur le fonctionnement de ce dernier.
Comme expliqué en détail dans notre ebook sur le sommeil, il existe deux processus se faisant concurrence en parallèle tout au long de la journée, illustré sur la figure 1.
- D’un côté, il y a la pression d’éveil, gérée par notre rythme circadien (notre rythme biologique réglé sur 24h et géré par une horloge-maître dans le cerveau), et qui est comme une courbe sinusoïdale qui monte et qui descend pour envoyer des signaux poussant soit à l’éveil, soit au sommeil.
- L’autre processus est la pression de sommeil, qui fonctionne via l’accumulation d’une molécule appelée l’adénosine. Pour résumer, l’adénosine est le résultat normal du fonctionnement du cerveau et de son utilisation d’énergie via le métabolisme de l’ATP (adénosine triphosphate), la molécule qui fournit l’énergie de base à toutes nos cellules. Plus notre cerveau est en éveil longtemps, plus il utilise de l’énergie, et plus l’adénosine s’accumule dans celui-ci.
L’adénosine, un baromètre pour le cerveau
Grâce à des récepteurs d’adénosine dans le cerveau, ce dernier peut utiliser cette molécule comme un baromètre qui se remplit au fur et à mesure, et lui indique en quelque sorte le temps qui passe depuis l’éveil.
À partir d’un certain niveau, l’adénosine va entraîner une diminution de l’activité des zones du cerveau liées à l’éveil, et à l’inverse promouvoir celles liées à la relaxation musculaire et à l’endormissement.
Quand la concentration d’adénosine atteint son pic, on ressent un besoin urgent de dormir, ce qui arrive normalement après 12 à 16h d’éveil. Pendant le sommeil, le cerveau va éliminer cette adénosine pour pouvoir repartir à zéro le lendemain, la purge complète prenant en moyenne de 7 à 9h.
Ces deux processus, la pression d’éveil et la pression de sommeil, sont indépendants mais dans un monde idéal, ils sont synchronisés pour optimiser les moments d’éveil et d’endormissement.
Figure 1 – Représentation du cycle éveil-sommeil
Café et sommeil : comment la caféine agit dans notre cerveau
Les sources de caféine
Nous allons maintenant examiner les effets de la caféine sur ces processus, mais un mot rapide auparavant sur les sources de cette dernière.
Le café est de loin la principale source de caféine dans la population. C’est pour cette raison que la plupart des études en lien avec le sommeil ont été faites sur la consommation spécifique de café, et que lorsque l’on parle des effets du café sur le sommeil, cela sous-entend « via la caféine ».
Mais la caféine est bien entendu présente dans d’autres boissons, et son effet sera le même si vous atteignez les mêmes quantités de caféine, cela demandera simplement d’en boire plus.
Par exemple, une tasse de maté contient environ 30% de caféine en moins, une tasse de thé noir environ 60% de moins et une tasse de thé vert contient en moyenne moins d’un quart de la caféine d’une tasse de café.
Café et sommeil : caféine, adénosine et mélatonine
Pour en revenir au sommeil, la caféine va en fait agir dessus en se liant aux récepteurs de l’adénosine dans le cerveau, et donc en empêchant cette dernière d’augmenter la pression de sommeil pendant un moment.
Elle peut également fortement diminuer la production de mélatonine, l’hormone responsable du signal de départ de notre endormissement et de la synchronisation des différents processus de notre organisme pour se préparer au sommeil.
La caféine va donc affecter tous les aspects du sommeil :
- Le temps d’endormissement,
- L’efficacité du sommeil (le temps de sommeil effectif comparé au temps passé au lit), en augmentant le nombre de réveils nocturnes,
- Et la qualité du sommeil, notamment en modifiant la répartition des différentes phases de sommeil (que vous pouvez découvrir en détail dans notre ebook sur le sommeil).
En effet, la caféine va entraîner plus de phases de sommeil lent léger et de réveils au détriment des phases de sommeil lent profond dans les premiers cycles de sommeil, alors que ce sommeil profond est fondamental pour tirer tous les bénéfices réparateurs du sommeil, et est fondamental dans certains processus comme la consolidation de la mémoire.
Un petit exemple pour mieux comprendre
Pour illustrer plus concrètement les effets de la caféine, voici un scénario typique avec la prise d’un seul café le matin :
- En vous réveillant le matin, votre cerveau a purgé l’essentiel des molécules d’adénosine accumulées la veille. Vous vous sentez donc reposé et votre éveil se fait progressivement.
- Vous buvez votre café matinal, qui est absorbé au niveau de l’intestin grêle au bout d’une heure, permettant à la caféine de devenir disponible dans tout votre organisme, y compris le cerveau.
- La concentration de caféine atteint son pic dans le sang et dans le cerveau environ 2 heures après l’ingestion. Elle se lie aux récepteurs d’adénosine dans le cerveau, empêchant ces derniers de produire leurs effets sur l’endormissement.
- Au fur et à mesure, les molécules de caféine sont métabolisées par des enzymes et laissent la place à l’adénosine sur ses récepteurs. La demi-vie de la caféine, soit le temps qu’il faut pour que sa concentration soit divisée par 2 après ingestion du café, varie très grandement entre individus et peut aller de 3 à 10 heures, même si la moyenne des adultes en bonne santé se situe entre 3 et 5 heures.
En soirée, l’essentiel de la caféine matinale a été éliminée, et l’adénosine accumulée par le métabolisme du cerveau au cours de la journée peut à nouveau pleinement produire son effet sur la relaxation et l’endormissement.
Café et sommeil : la caféine masque notre fatigue
Un cercle vicieux ?
Contrairement à notre ressenti, la caféine n’efface donc pas la dette de sommeil déjà accumulée. Votre manque de sommeil ne disparaît pas comme par magie, elle ne fait que la décaler, d’où le crash de fatigue quand ses effets disparaissent.
Si vous essayez de lutter contre la fatigue en buvant des boissons caféinées, par exemple toutes les 3 heures pour garder un taux de caféine constamment élevé, l’adénosine va tout de même continuer à s’accumuler dans le cerveau, de par le métabolisme normal de ce dernier en journée.
Quand la barrière de la caféine est éliminée, que les récepteurs d’adénosine dans le cerveau fonctionnent à nouveau à 100%, l’action de toute cette adénosine accumulée arrive d’un coup, entraînant un besoin urgent de dormir.
D’où les risques de rentrer dans un cercle vicieux, où l’on va avoir envie de reboire du café pour chasser le coup de fatigue 2 à 3 heures après avoir bu le précédent, avec un crash à chaque fois plus intense derrière.
Café et sommeil : un impact éventuel plusieurs heures après ingestion
Comme évoqué, la demi-vie de la caféine peut durer plusieurs heures. C’est-à-dire que si vous buvez un café contenant 120 mg de caféine, vous en aurez encore 60 mg dans votre organisme 3 ou 5 heures après, ce qui peut être largement suffisant pour perturber votre sommeil pendant toute cette période, surtout si vous avez bu plusieurs cafés.
Il existe évidemment des différences individuelles liées à la génétique, qui font que certaines personnes vont être plus sensibles que d’autres aux effets de la caféine, mais étant donné qu’il n’y a pas de réel moyen de le savoir pour votre cas personnel, il vaut mieux appliquer le principe de précaution et considérer que vous y êtes sensible.
Surtout que même si vous pouvez vous endormir sans problème après avoir bu un café en fin d’après-midi ou le soir, cela peut impacter la qualité de votre sommeil et provoquer de nombreux micro-réveils sans que vous en ayez totalement conscience.
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Café et sommeil : comment avoir une consommation de café intelligente ?
Conseil n°1 pour allier café et sommeil : changer de mentalité
Alors que faire concrètement à partir de ces informations ?
La première chose est un changement de mentalité. Il va falloir essayer d’inverser la logique classique « je suis fatigué car je n’ai pas assez dormi donc je bois du café », pour la transformer en « j’investis sur la qualité de mon sommeil et je n’ai pas fondamentalement besoin de café pour fonctionner la journée ».
Conseil n°2 pour allier café et sommeil : faire une pause avec la caféine
Deuxième conseil pour les consommateurs réguliers : il peut être avantageux d’arrêter totalement les boissons caféinées pendant une à deux semaines.
D’une part, pour prendre conscience de vos réelles sensations de fatigue, non-masquées par la caféine, ce qui pourra faciliter votre temps et votre qualité de sommeil, et la motivation pour investir sur ce dernier.
D’autre part, il faut savoir que l’on développe une forme d’accoutumance à la caféine sur le long terme, c’est-à-dire que ses effets sur l’éveil et l’attention diminuent avec le temps, une pause ponctuelle peut donc permettre d’y redevenir un peu plus sensible.
Conseil n°3 pour allier café et sommeil : pas de café après 16h
Le troisième conseil est le plus évident : il faut éviter de boire du café minimum 5 à 7 heures avant l’heure du coucher, pour s’assurer d’avoir éliminé la majorité de la caféine dans son cerveau.
Si l’on se réfère à un rythme classique d’éveil entre 7 h et 23 h, cela signifie par exemple d’éviter le café après 16 heures.
Pour le thé, même s’il contient beaucoup moins de caféine, les mécanismes restent les mêmes. Mais étant donné les quantités en jeu bien plus faibles, si on reste sur un nombre de tasses équivalent, il est possible d’en boire légèrement plus tard sans trop perturber la qualité du sommeil.
Café et polymorphisme génétique
Il existe un rare cas particulier où le café pourrait presque être nécessaire. En effet, l’adénosine accumulée est métabolisée par l’enzyme adénosine désaminase. Cette enzyme est codée par un gène du même nom, qui connait plusieurs mutations, et ces mutations impactent l’efficacité de cette enzyme.
En d’autres termes, selon le gène dont nous avons hérité, il est possible que notre enzyme adénosine désaminase fonctionne plus ou moins bien. Les personnes ayant la variation la plus commune (C/T) ont une enzyme 35% moins performante. Cela entraine une plus grande circulation et accumulation d’adénosine dans les cellules, une conversion réduite de l’adénosine en inosine (un antioxydant et stimulant de l’organisme), ainsi qu’une baisse de l’attention et une fatigue accrue durant la journée.
Si vous faites partie de ces personnes, alors il est possible que la caféine soit une bouée de sauvetage nécessaire (cela ne signifie pas qu’il faut en boire toute la journée, mais le bol de café matinal pourrait bien être salutaire !).
Nous ne conseillons pas d’arrêter totalement le café pour votre sommeil, mais d’en avoir une consommation intelligente, à partir du moment où vous aimez réellement cette boisson.
En effet, de nombreuses personnes boivent régulièrement du café non par plaisir, mais par automatisme : elles se retrouvent alors prises dans le cercle vicieux où le café est devenu avant tout un cache-misère de la fatigue chronique et du manque de sommeil, et où notamment en entreprise, on observe des salariés espérant être plus productifs en allant à la machine à café du matin au soir, perturbant ainsi de plus en plus leur sommeil et donc leur efficacité réelle.
Il faut noter que le café a tout de même quelques vertus, une consommation régulière et modérée est associée à des effets positifs sur la santé cardiovasculaire, le risque de cancer ou de diabète de type 2 et le déclin cognitif.
Essayez de vous limiter à 2 ou 3 cafés par jour, de ne pas en boire au-delà du début d’après-midi et de ne pas dépasser dans tous les cas 400 mg de caféine par jour.
Et bien entendu, comme pour tout aliment, investissez sur la qualité : comme le vin, le café a des arômes bien distincts suivant son origine, chaque terroir donne une qualité et un goût différents. Partez à la découverte de torréfacteurs artisanaux se fournissant en direct auprès de petits producteurs, vous garantissant une réelle traçabilité.
FAQ : Café et sommeil
Comment le café affecte le sommeil ?
La caféine agit en se liant aux récepteurs de l’adénosine dans le cerveau : elle empêche alors cette dernière d’augmenter la pression de sommeil pendant un moment.
Elle peut également fortement diminuer la production de mélatonine, ce qui a pour conséquence de retarder le signal de départ de notre endormissement.
Enfin, elle joue sur la qualité du sommeil, notamment en modifiant la répartition des différentes phases de sommeil.
Quelle quantité maximale de café peut-on boire pour ne pas perturber le sommeil ?
Idéalement, il faudrait essayer de se limiter à 2 ou 3 cafés par jour, et dans tous les cas de ne pas dépasser 400 mg de caféine par jour.
Quels conseils pour allier café et sommeil ?
Les 3 conseils qu’on pourrait donner pour avoir une consommation intelligente de café, qui perturbe le moins possible le sommeil, sont les suivants :
- Changer de mentalité, en se disant qu’on n’a pas fondamentalement besoin de café pour fonctionner la journée.
- Faire une pause de une à deux semaines avec la caféine, pour prendre conscience de ses réelles sensations de fatigue, et pour limiter l’accoutumance.
- Ne pas boire de café après 16 heures, pour s’assurer d’avoir éliminé la majorité de la caféine dans son cerveau au moment du coucher.
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