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Jaune d’œuf et cholestérol : un danger pour la santé ?
Le jaune d’œuf est riche en cholestérol, et sa consommation a de ce fait longtemps été controversée. Pourtant, on sait aujourd’hui que consommer des œufs ne semble pas de nature à augmenter le risque de maladie cardiovasculaire, et pourrait même en réalité être bénéfique pour la santé cardiovasculaire. Alors au final, le cholestérol du jaune d’œuf représente-t-il vraiment un risque pour la santé ?
Par Patrick, Co-fondateur de nutriting et expert en nutrition
Publié le 21 janvier 2023, mis à jour le 17 octobre 2023
Le jaune d’œuf aussi nocif que le tabac pour les artères.
Manger des œufs augmente le risque de crise cardiaque ou d’accident vasculaire cérébral.
Autant de titres sensationnalistes pour faire du clic, quitte à sacrifier la rigueur scientifique sur l’autel de l’audimat et de l’audience internet. Le jaune d’œuf a toujours divisé à son sujet, mais qu’en est-il réellement ?
Jaune d’œuf et cholestérol : l’origine de la controverse
Le cholestérol désigné coupable par Ancel Keys
Donnons un peu de contexte à ce sujet très brièvement.
Le cholestérol est une molécule vitale de la famille des lipides fabriquée par toutes les cellules de l’organisme à de nombreuses fins (membranes cellulaires, hormones, bile…). Sans cholestérol, la vie ne serait simplement pas possible.
En 1958, suite à quelques études préliminaires qui semblaient lier régime alimentaire et maladies de civilisation (cardiovasculaires notamment), le célèbre scientifique Ancel Keys démarre une étude sans précédent, qui durera 50 ans, et qui bouleversera les connaissances et recommandations nutritionnelles dans le monde : la fameuse étude des 7 pays.
En effet, la publication de la première partie de cette étude en 19841 connaitra un retentissement médiatique sans précédent. On tenait enfin le coupable de l’explosion de maladies cardiovasculaires que connaissent les Etats-Unis à cette époque : le cholestérol.
En effet, l’étude montre que les pays qui consomment le plus de cholestérol alimentaire et de lipides en général sont également ceux qui connaissent le plus de maladies cardiovasculaires.
Cette publication mènera à une profonde modification des recommandations alimentaires dans le pays (et dans le monde) en faisant des féculents, principalement les céréales, la base de la pyramide alimentaire, et en incitant à diminuer les lipides, en particulier ceux qui contiennent du cholestérol.
Le jaune d’œuf pointé du doigt
Le jaune d’œuf est l’un des aliments les plus riches en cholestérol : il en apporte 1.085 mg pour 100 g (c’est-à-dire environ 5 œufs) ; 2 œufs entiers apportent donc environ 400 mg de cholestérol.
Cela est à mettre en regard des recommandations officielles de la FDA américaine suite à la publication de l’étude qui étaient de 300 mg maximum par jour2.
Les œufs étant la source la plus importante de cholestérol alimentaire, ils devenaient une cible de choix, dont il fallait diminuer la consommation.
Et ce n’est donc pas un hasard si, en 1984, lors de la parution du premier volet de l’étude, le Time Magazine titre sa Une « Cholesterol And Now the Bad News » (Cholestérol et maintenant les mauvaises nouvelles), avec en photo des œufs au plat et une tranche de bacon.
La réputation de l’œuf en sera durablement ternie, et les recommandations officielles à ce sujet seront inlassablement relayées par les médecins :
Ne consommez pas trop d’œufs, c’est mauvais pour votre cholestérol, ou alors retirez-en les jaunes.
Pourtant, si depuis quelques années l’œuf a été blanchi, lavé de tout soupçon (ou presque), les doutes et les craintes perdurent. Peut-on vraiment se remettre à manger des œufs ? Quels sont les risques ?
Le saviez-vous ?
Les œufs contiennent des vitamines A et D qui sont essentielles. Pour faire le plein de ces vitamines synergiques, il y a aussi nuADK.
Jaune d’œuf et cholestérol : y a-t-il un lien ?
Le jaune d’œuf peut-il élever le cholestérol ?
Avant de s’intéresser aux études cliniques, faisons un point sur l’état des connaissances à ce sujet.
Si l’étude d’Ancel Keys était en réalité méthodologiquement contestable (et contestée), et si le cholestérol a longtemps été sujet à controverse, les études récentes qui adoptent une méthode statistique novatrice très puissante, appelée « randomisation mendélienne », tendent à montrer que les maladies cardiovasculaires sont, en réalité, bien liées à un taux élevé de cholestérol LDL dans l’organisme3 (du cholestérol lié à un transporteur appelé LDL).
Néanmoins, et c’est quelque chose de fondamental à ce stade, le cholestérol issu de l’alimentation influe relativement peu sur le cholestérol sanguin.
Cholestérol alimentaire et cholestérol sanguin
Et pour cause, le taux de cholestérol sanguin est étroitement régulé4. L’entrée du cholestérol alimentaire dans l’organisme se fait par le biais d’un transporteur présent au niveau de l’intestin grêle appelé Niemann–Pick C1-like 1, ou NPC1L1.
Ce transporteur régule l’entrée du cholestérol en fonction des besoins : si les besoins en cholestérol sont satisfaits, le récepteur NPC1L1 réduit son entrée dans l’organisme. En cas d’excès de cholestérol sanguin, ce dernier est excrété par les voies biliaires, ou rejeté dans l’intestin par les transporteurs ABCG5 et ABCG8.
Par ailleurs, le cholestérol alimentaire est estérifié, c’est-à-dire qu’il est lié à une molécule d’acide gras. Or le transporteur NPC1L1 n’accepte que du cholestérol libre. Afin d’y être présenté, le cholestérol alimentaire estérifié doit d’abord être hydrolysé par les enzymes pancréatiques intestinales. Ce processus est lui-même limité.
Tout cela fait qu’au final, le cholestérol alimentaire ne représente que 10 à 15% du cholestérol total5.
Jaune d’œuf et cholestérol : une influence modeste
Cette donnée, reconnue seulement récemment, est pourtant connue de très longue date. Ancel Keys lui-même, 3 ans après la publication de la première partie de son étude, s’est exclamé à ce sujet6 :
J’en suis venu à penser que le cholestérol n’est pas aussi important qu’on le pensait.
Mais si le cholestérol alimentaire influe peu sur le cholestérol sanguin, il a néanmoins un impact. Et mécaniquement et inéluctablement, consommer plus de cholestérol alimentaire augmente légèrement nos taux de cholestérols totaux : HDL (le « bon ») et LDL (le « mauvais ») 7.
Même si elle est légère, on peut alors se demander si cette augmentation, notamment via une consommation régulière d’œuf, est de nature à augmenter significativement le risque de maladie cardiovasculaire ou d’autres maladies ? C’est toute la question.
Jaune d’œuf et cholestérol : y a-t-il un risque cardiovasculaire ?
Jaune d’œuf, cholestérol et risque cardiovasculaire : des études rassurantes
Il existe des centaines d’études à ce jour sur la consommation d’œufs et l’incidence de maladies cardiovasculaires. La grande majorité sont des études observationnelles, c’est-à-dire qu’elles servent surtout à émettre des tendances. Néanmoins, si les études d’observation ne mettent pas en lumière un lien entre une consommation élevée d’œufs et l’incidence de maladies diverses, c’est que l’œuf n’est sans doute pas aussi délétère qu’on pourrait le dire, en tout cas pas au point de faire la différence dans ce type d’études.
Intéressons-nous donc aux revues d’études et méta-analyses qui agrègent les résultats d’études individuelles.
L’une des premières et des plus importantes sur le sujet a été publiée dans une revue médicale de référence, le British Medical Journal8.
Issue d’une collaboration entre des chercheurs chinois et l’Ecole de Santé Publique de Harvard, l’étude a analysé 17 études d’observation sur la consommation de jaune d’œuf et le risque de maladies cardiovasculaires (infarctus, accident vasculaire, etc.), totalisant ainsi des données sur plus de 4 millions de personnes : un record.
Les résultats montrent que la consommation élevée d’œufs (jusqu’à un œuf par jour au long cours) n’est pas associée à un risque accru de maladie coronarienne ou d’accident vasculaire cérébral.
Les analyses de sous-groupes (en principe, statistiquement moins probantes) montrent deux effets annexes :
- Une élévation du risque chez les personnes diabétiques ;
- Et une possible diminution du risque d’accident vasculaire cérébral hémorragique de 25% chez les personnes en bonne santé.
Ce type de méta-analyse a été répétée, notamment 20139 et en 201610, avec les exacts mêmes résultats : pas d’association claire entre la consommation d’œufs et l’augmentation du risque de maladies coronariennes. Les données indiquent même une possible réduction du risque d’accident vasculaire cérébral total.
Jaune d’œuf, cholestérol et risque cardiovasculaire : tous les aliments riches en cholestérol ne se valent pas
En 2018, une revue d’étude parue dans le journal Nutrients11 note que, à ce jour, les recherches approfondies n’ont pas permis de démontrer le rôle du cholestérol alimentaire dans le développement des maladies cardiovasculaires.
Cela a abouti à l’abandon des recommandations visant à limiter le cholestérol alimentaire à 300 mg/jour par les Etats-Unis (rejoignant ainsi entre autres les pays européens, l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande, la Corée du Sud et l’Inde).
Les chercheurs font l’hypothèse que l’association entre cholestérol alimentaire et maladies cardiovasculaires pourrait venir des aliments eux-mêmes : la plupart des aliments riches en cholestérol étant également riches en acides gras saturés, qui eux, peuvent augmenter le risque de maladies cardiovasculaires.
Néanmoins, ils notent que les œufs et les crevettes font exception à cette règle, et qu’étant donné que les œufs sont des aliments abordables et riches en nutriments, qu’ils contiennent des protéines de haute qualité avec un minimum d’acides gras saturés (1,56 g/œuf), et qu’ils sont riches en micronutriments, il serait intéressant d’inclure les œufs avec modération dans le cadre d’une alimentation saine.
Jaune d’œuf, cholestérol et risque cardiovasculaire : le régime alimentaire global compterait avant tout
Cette méta-analyse a été mise à jour en 202312, mais les nouvelles études ne sont pas de nature à en changer la conclusion. Les chercheurs concluent :
Les recommandations nutritionnelles des autorités de santé devraient se concentrer sur l’amélioration de la qualité globale du régime alimentaire afin de promouvoir la santé cardiovasculaire.
Et ce point, rarement soulevé dans ce cas de figure, semble pourtant clé. Il avait déjà été mis en avant dans plusieurs études, notamment :
En 2018
Dans une revue d’étude parue dans le prestigieux European Journal of Clinical Nutrition de Nature13, les chercheurs notent que les études d’intervention de grande qualité n’ont pas mis en évidence d’effets significatifs de l’augmentation de la consommation d’œufs sur les marqueurs de risque de maladies cardiovasculaires et de diabète de type 2, chez les sujets sains comme chez les sujets atteints de diabétiques.
Ils en concluent que les associations de risque constatées dans les études d’observation sont plus susceptibles d’être attribuées à un modèle alimentaire accompagnant souvent une consommation élevée d’œufs et/ou à un ensemble d’autres facteurs de risque chez les personnes qui consomment beaucoup d’œufs.
Et effectivement, lorsque l’on retire les études d’observation des méta-analyses et qu’on se penche sur les méta-analyses d’essais randomisés contrôlés, on ne trouve plus d’association entre la consommation d’œufs et maladies cardiovasculaires14.
Ils concluent alors par une affirmation de bon sens qui semble souvent omise :
« Les habitudes alimentaires, l’activité physique et la génétique influencent davantage la prédisposition aux maladies cardiovasculaires et au diabète de type 2 qu’un seul aliment comme les œufs. »
En 2019
Une étude portant sur une cohorte grecque de plus de 3.500 personnes issues de l’enquête nationale hellénique sur la santé et la nutrition est publiée dans le journal Nutrients15.
Les chercheurs n’avaient alors trouvé aucun lien entre consommation d’œufs et dyslipidémie (c’est-à-dire une modification délétères des lipides sanguins), et avaient là aussi précisé que c’était l’ensemble de l’alimentation qui primait.
Dans ce cas, ils avaient qualifié l’alimentation de la cohorte grecque de « saine, riche en fibres et pauvre en graisses saturées, sans apport énergétique excessif ». La diète méditerranéenne idéale en somme !
Ouf, on souffle un peu !
On s’accorde une petite pause dans la lecture de cet article, et on va faire un tour dans notre nuShop pour découvrir tous les merveilleux produits qu’on propose 😉
Jaune d’œuf et cholestérol : combien d’œufs peut-on manger par jour ?
Une question individuelle
Il est en réalité impossible de répondre à cette question de manière universelle.
D’abord parce que, comme nous l’avons dit, cela dépend avant tout du reste de l’alimentation et de l’hygiène de vie.
Ensuite parce que, comme toutes choses par ailleurs en nutrition, le cholestérol est également une question individuelle : certains individus étant des « hyper-absorbeurs » et d’autres des « hyper-répondeurs » au cholestérol alimentaire16.
Jaune d’œuf, cholestérol et risque cardiovasculaire : que peut-on affirmer avec certitude ?
Ce que nous pouvons dire avec la prudence scientifique qui nous est chère, c’est que :
- L’ensemble des revues scientifiques ne montrent pas de risque accru en cas de consommation d’œufs équivalente à 1 par jour. Il n’existe pas de raison de penser que cela changerait brutalement en passant à 2 œufs par jour ou plus, mais il faudrait des études spécifiques sur la question pour en avoir le cœur net.
- L’American Heart Association17 indique également qu’un œuf par jour est probablement sans risque, mais précise que c’est avant tout le reste de l’alimentation qui importe, qu’il faut en particulier mettre l’accent sur les fruits et légumes, les céréales complètes, les produits laitiers à faible teneur en matières grasses ou sans matières grasses, les sources de protéines maigres, les fruits à coque, les graines et les huiles végétales liquides.
A noter que la Heart Foundation australienne a elle, purement et simplement retiré la limite d’œufs hebdomadaire de ses recommandations18.
Comme toujours donc : focalisez-vous avant tout sur l’alimentation dans son ensemble, et sur l’ensemble de l’hygiène de vie (sédentarité, tabagisme, alcool, surpoids et obésité), qui auront des répercussions beaucoup plus grandes sur votre risque cardiovasculaire que la consommation d’œuf.
Dans le cadre d’une hygiène de vie globale satisfaisante, la consommation d’un œuf (et potentiellement plus) par jour n’est pas de nature à augmenter le risque de maladies cardiovasculaires chez une personne en bonne santé de façon significative.
La question du jaune d’œuf, du cholestérol et des maladies cardiovasculaires est un cas d’école de l’épidémiologie nutritionnelle.
Si l’on doit résumer l’ensemble :
- Le cholestérol LDL est un facteur de risque de maladies cardiovasculaires.
- Le cholestérol étant majoritairement fabriqué par le foie et par toutes les cellules de l’organisme, et le cholestérol sanguin étant étroitement régulé, seule une petite partie du cholestérol alimentaire aboutira dans la circulation.
- Le jaune d’œuf étant riche en cholestérol, il a une influence modeste (mais réelle) sur le cholestérol total.
- Un certain nombre d’études d’observation semblent indiquer une association entre une consommation élevée d’œufs et une augmentation du risque de maladie cardiovasculaires, mais elles sont minoritaires.
- Et surtout ces études, on le sait, sont très sensibles aux facteurs de confusion (comme le reste de l’alimentation, l’hygiène de vie, etc.). Dès que l’on se tourne vers les essais randomisés contrôlés, toute association disparait.
On est donc face à un cas classique où l’on a des hypothèses mécanistiques plausibles (jaune d’œuf > cholestérol > hausse du risque de maladies cardiovasculaires), que l’on retrouve dans certaines études d’observation, mais pas dans les méta-analyses d’envergure ni dans les essais cliniques.
Cela indique encore une fois que, plus qu’un aliment isolé, c’est bien tout l’ensemble de l’hygiène de vie qui est à considérer.
L’œuf en particulier ne semble pas poser de problème de ce point de vue : ce serait plutôt les aliments riches en acides gras saturés qu’il conviendrait de modérer afin d’avoir un effet plus probant sur le cholestérol LDL.
Qu’avez-vous pensé de cet article ?
C’est un sujet ultra complexe, mais on a essayé de le rendre accessible. Et pour nos compléments alimentaires, c’est pareil : faire des formulations de qualité, c’est très technique et scientifique, mais on a essayé de vous expliquer du mieux possible le pourquoi du comment.
FAQ : Jaune d’œuf et cholestérol
Y a-t-il une différence entre cholestérol alimentaire et cholestérol sanguin ?
Le cholestérol sanguin est fabriqué, à plus de 80%, par le corps (toutes les cellules en fabriquent, ainsi que le foie). Le cholestérol alimentaire n’est que très partiellement intégré à l’ensemble du cholestérol sanguin. Au niveau de l’alimentation, c’est surtout les acides gras saturés qui auront une grande influence sur nos quantités totales de cholestérol.
Le jaune d’œuf peut-il élever le cholestérol ?
Un jaune d’œuf apporte environ 200 mg de cholestérol, ce qui est conséquent. Néanmoins, le cholestérol alimentaire a peu d’influence sur le cholestérol total. Le jaune d’œuf peut donc élever le cholestérol total (HDL et LDL), mais de manière relativement modeste (même s’il existe des grandes disparités individuelles à ce niveau).
Faut-il avoir peur du cholestérol du jaune d’œuf ?
De toute évidence, non. L’ensemble de la littérature scientifique montre que la consommation d’un œuf par jour (ou 7 par semaine) n’est pas de nature à poser de risque sur la santé. C’est également la recommandation de la plupart des autorités de santé. Comme toujours en nutrition, plutôt que de focaliser sur un seul aliment (d’autant que le jaune d’œuf est très riche en micronutriments essentiels et semi-essentiels), il est préférable de regarder l’ensemble de l’alimentation et de l’hygiène de vie en général, qui auront un impact bien plus important que la consommation d’œuf.
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