Peut-on prendre trop de vitamine D ?

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Depuis quelques annĂ©es, la vitamine D fait l’objet de nombreuses Ă©tudes et il semble que pas un seul aspect de la santĂ© n’Ă©chappe Ă  son action. On la trouve mĂȘme parfois prĂ©sentĂ©e comme une panacĂ©e capable de prĂ©venir les cancers, les troubles cardiaques, la dĂ©pression, les maladies auto-immunes. Une Ă©tude danoise publiĂ©e en fĂ©vrier 2015 dans le Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism1 prĂ©sente cependant un rĂ©sultat assez surprenant, que notre diĂ©tĂ©ticien-nutritionniste Laurent Buhler dĂ©taille pour vous.


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1. Il s’agit d’une Ă©tude d’observation

Tout d’abord, insistons sur le fait qu’il s’agit d’une Ă©tude d’observation.

Dans ce type d’Ă©tude, on cherche Ă  observer une association entre deux Ă©vĂ©nements, sans pouvoir dire s’il y a un lien de cause Ă  effet entre ces deux Ă©vĂ©nements.

2. On examine le lien entre vitamine D & événements cardio-vasculaires

Cette étude examine le lien entre taux sérique de vitamine D et événements cardio-vasculaires (maladies cardio-vasculaires dont AVC et Syndrome Coronarien Aigu).

3. Le risque le plus faible est associé à un taux sérique de 70 nmol/L (28 ng/mL)

Le rĂ©sultat de l’Ă©tude indique qu’un taux sĂ©rique de 70 nmol/L est associĂ© au risque le plus faible de dĂ©cĂšs par Ă©vĂ©nement cardiovasculaire. 70 nmol/L correspondent Ă  28 ng/mL, soit un taux trĂšs lĂ©gĂšrement infĂ©rieur aux 30 ng/mL, qui constituent la limite d’insuffisance appliquĂ©e par les laboratoires d’examens (en tout cas ceux qui travaillent avec les Ă©tablissements hospitaliers dans lesquels j’interviens).

En d’autres termes, cela signifie qu’un mĂ©decin essaiera logiquement de faire en sorte que ses patients ne descendent pas trop souvent en dessous de ce seuil.

4. Quel risque associé pour le taux le plus bas ?

En comparaison Ă  ce seuil standard, ceux qui avaient le taux le plus bas, soit 12,5 nmol/L (5 ng/mL) ont un risque d’Ă©vĂ©nement cardiovasculaire associĂ© multipliĂ© par 2.

Pour donner une idĂ©e de ce que reprĂ©sente un facteur 2 dans une Ă©tude d’observation, considĂ©rons par exemple le rapport entre tabac et cancer du poumon : un fumeur a un risque multipliĂ© par environ 25 par rapport Ă  un non-fumeur2. Avec toutes les sources de biais inhĂ©rents aux Ă©tudes d’observation, un risque multipliĂ© par 2 peut susciter un lĂ©ger intĂ©rĂȘt, mais reste bien loin de suggĂ©rer formellement une relation de cause Ă  effet.

5. Mais dans quel sens opĂšre cette relation ?

D’autant plus qu’on peut se demander dans quel sens opĂšre cette relation.

Imaginons un patient souffrant de cardiopathie : son mĂ©decin lui conseillera peut-ĂȘtre, si cela est adĂ©quat, d’Ă©viter les efforts physiques intenses en plein soleil. Par consĂ©quent, notre cardiopathe s’exposera moins et verra son taux sĂ©rique de vitamine D diminuer petit Ă  petit. Mais dans ce cas, ce faible taux sera la consĂ©quence et non la cause de la pathologie cardiaque.

Il ne s’agit bien sĂ»r que d’une hypothĂšse de rĂ©flexion, mais l’idĂ©e est de suggĂ©rer que les Ă©tudes d’observation doivent toujours ĂȘtre considĂ©rĂ©es avec un certain recul.

6. Quel risque associé pour des taux plus hauts ?

Jusque là, rien de surprenant, mais intéressons-nous maintenant à ce qui se passe lorsque le taux sérique de vitamine D dépasse 70 nmol/L. Pour ceux dont le taux se trouve à 125 nmol/L, soit 50 ng/mL, le risque cardiovasculaire associé est multiplié par 1,3.

Comme expliquĂ© au paragraphe 4, un risque multipliĂ© par 1,3 dans une Ă©tude d’observation peut difficilement ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un indicateur flagrant. D’autant que lĂ  encore, on peut s’interroger sur le sens de la relation : imaginons que notre cardiopathe citĂ© plus haut ait lu quelques articles de blog sur l’intĂ©rĂȘt de la vitamine D pour la santĂ©. Il dĂ©cide de se complĂ©menter en vitamine D et fait passer son taux sĂ©rique de 12,5 nmol/L (5 ng/mL) Ă  125 nmol/L (50 ng/mL).

Une fois de plus, la vitamine D ne sera pas la cause de la cardiopathie, mais c’est bien le changement de comportement du patient qui aboutira Ă  l’association de sa pathologie Ă  un taux sĂ©rique Ă©levĂ©.

7. Des valeurs de risque équivalentes entre excÚs et carence

Pour autant, lorsqu’on observe la courbe fournie dans le compte-rendu de l’Ă©tude, on s’aperçoit qu’Ă  mesure que le taux sĂ©rique monte, on atteint des valeurs de risque Ă©quivalentes entre excĂšs et carence.

Ainsi, un taux sĂ©rique Ă  150 nmol/L (60 ng/mL) donne un risque multipliĂ© par 1,4, soit le mĂȘme risque que pour un taux Ă  25 nmol/L (10 ng/mL).

Il aurait donc été instructif de connaßtre la majoration du risque pour des taux avoisinant les 250 nmol/L (100 ng/mL).

8. Un excÚs de vitamine D, comme une carence, seraient néfastes

Nous l’avons dit en introduction, la vitamine D a fait l’objet de nombreuses Ă©tudes ces derniĂšres annĂ©es, et l’insuffisance ou la carence en vitamine D, mesurĂ©es par le taux sĂ©rique, ont Ă©tĂ© associĂ©es Ă  de nombreuses pathologies, ainsi qu’au risque de mortalitĂ© toutes causes confondues.

Cependant, si les consĂ©quences d’une hypervitaminose aiguĂ« sont bien connues, rares, liĂ©es Ă  de trĂšs fortes doses et rĂ©versibles par arrĂȘt de la complĂ©mentation, l’impact d’une administration Ă  dose Ă©levĂ©e de vitamine D Ă  long terme a Ă©tĂ© beaucoup moins Ă©tudiĂ©. Un certain nombre d’Ă©tudes existent tout de mĂȘme, menĂ©es sur des modĂšles animaux ou sur certaines catĂ©gories de patients (les insuffisants rĂ©naux)3,4.

Ces Ă©tudes donnent des rĂ©sultats contradictoires, mais quelques unes suggĂšrent qu’un excĂšs de vitamine D pourrait favoriser la calcification de certains tissus. Cela peut concerner le parenchyme rĂ©nal, mais aussi le systĂšme vasculaire ou encore les valves cardiaques.

9. Un caractÚre contradictoire lié au statut vitaminique

Le caractÚre contradictoire de ces études apparaßt lié au statut vitaminique des patients. Si les patients sont carencés, une complémentation en vitamine D permet de lutter contre la calcification. En revanche, lorsque les patients ont un taux sérique normal, il semble que chercher à augmenter ce taux ne soit pas toujours bénéfique et aboutisse à une majoration de la calcification.

Il faut bien sĂ»r rester prudent quant Ă  l’extrapolation de ces travaux spĂ©cifiques vers des personnes en bonne santĂ© qui ont recours Ă  une complĂ©mentation prĂ©ventive.

10. L’hypothĂšse d’une courbe en J (ou en U)

Au terme de l’analyse, et bien que nous ayons insistĂ© sur la nĂ©cessitĂ© de prendre du recul vis-Ă -vis des Ă©tudes d’observation, il n’est pas non plus interdit de considĂ©rer l’hypothĂšse proposĂ©e par les auteurs de l’Ă©tude :

Dans cette large étude d'observation, les niveaux bas et élevés de vitamine D sont associés à la survenue d'événements cardiovasculaires selon une courbe en J (inversée)

courbe en J
Courbe en J classique
 

Les courbes en J (ou en U) sont frĂ©quemment observĂ©es en physiologie : elles signifient qu’un Ă©tat de santĂ© optimal se trouve associĂ© Ă  un intervalle de valeurs, qu’il s’agisse de vitamines, de minĂ©raux ou d’hormones. Tant que l’on reste dans le cadre de cet intervalle, l’organisme fonctionne correctement, mais si l’on sort des limites, les ennuis commencent. C’est d’ailleurs le principe utilisĂ© pour analyser la plupart des paramĂštres sanguins.

Il ne paraĂźt donc pas aberrant de penser qu’il en est de mĂȘme pour la vitamine D. L’esprit humain a l’habitude de fonctionner de maniĂšre linĂ©aire : si je prends un peu de la substance X, mon Ă©tat s’amĂ©liore, donc plus j’augmente la dose, plus mon Ă©tat va devenir florissant.
Ce que suggĂšre cette Ă©tude, c’est justement une relation non-linĂ©aire : Ă  partir d’une certaine dose de substance X, mon Ă©tat va cesser de progresser, voire se dĂ©tĂ©riorer.

Parmi les patients que je vois quotidiennement en clinique ou en consultation, les taux sĂ©riques de vitamine D sont la plupart du temps trop bas (jusqu’Ă  l’indĂ©tectable), ou parfois normaux lorsque le mĂ©decin traitant a prescrit une complĂ©mentation.

Donc la premiĂšre recommandation, confirmĂ©e par la prĂ©sente Ă©tude, est de chercher Ă  Ă©viter carence et insuffisance en vitamine D. A ce titre, toutes les Ă©tudes d’intervention dont nous disposons montrent qu’il y a un intĂ©rĂȘt rĂ©el Ă  corriger les dĂ©ficits (i.e. Ă  remonter Ă  au moins 30 ng/mL pour ceux qui sont carencĂ©s).

Ensuite, Ă  notre connaissance (actuelle), il n’y a en revanche pas d’Ă©tudes faites sur des taux supĂ©rieurs Ă  long terme. Par consĂ©quent, une fois qu’on est au-dessus de 30 ng/mL (70 nmol/L), il est probablement bĂ©nĂ©fique de rester proche de ce rĂ©sultat, sans chercher forcĂ©ment Ă  monter le plus haut possible : selon l’Ă©tat actuel des connaissances, il nous paraĂźt sage de viser une fourchette entre 30 et 40 ng/mL.

De maniĂšre pratique, prendre quotidiennement 2000 UI de vitamine D semble une dose raisonnable au long cours (selon son taux initial, il peut ĂȘtre opportun de prendre plus de vitamine D, mais bien sĂ»r, l’idĂ©al reste toujours de faire un bilan sanguin, et d’ajuster au cas par cas).

ConsidĂ©rons enfin que l’on ne saurait rĂ©duire le maintien d’une santĂ© optimale Ă  la seule prĂ©sence de vitamine D, Ă©tant donnĂ© que celle-ci exerce son action de maniĂšre simultanĂ©e et synergique avec de nombreuses autres molĂ©cules. En particulier, un certain nombre d’Ă©tudes suggĂšrent l’intĂ©rĂȘt de recourir Ă  une complĂ©mentation associant la vitamine D avec les vitamines A et K2. Ces vitamines liposolubles agiraient en effet en synergie, se protĂ©geant les unes les autres de potentiels effets toxiques.

Notre complexe A + D + K2 : ces 3 vitamines devraient toujours ĂȘtre prises ensemble, alors nous avons mis au point cette synergie innovante


Maintient le bon fonctionnement du systùme immunitaire et la gestion des flux de calcium dans l’organisme.

On n’écrit pas nos articles dans le but de vous vendre des produits, mais tellement de lecteurs passent Ă  cĂŽtĂ© qu’on a dĂ©cidĂ© de les mettre davantage en avant, pour ceux que ça intĂ©resse. Et puis, on ne peut quand mĂȘme pas nous reprocher de proposer des produits au top ! 😉

Références

  1. Durup D, JĂžrgensen HL, Christensen J, TjĂžnneland A, Olsen A, HalkjĂŠr J, Lind B, Heegaard AM, Schwarz P. A reverse J-shaped association between serum 25-hydroxyvitamin D and cardiovascular disease mortality – the CopD-study. J Clin Endocrinol Metab. 2015 Feb 24:jc20144551. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25710567
  2. Center for Disease Control and Prevention. 2014 Surgeon General’s Report: The Health Consequences of Smoking. http://www.cdc.gov/tobacco/data_statistics/sgr/50th-anniversary/
  3. DrĂŒeke TB, Touam M, Thornley-Brown D, Rostand SG. Extraskeletal calcification in patients with chronic kidney failure. Adv Nephrol Necker Hosp. 2000;30:333-56. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/11068650
  4. DrĂŒeke TB, Massy ZA. Role of vitamin D in vascular calcification: bad guy or good guy? Nephrol Dial Transplant. 2012 May;27(5):1704-7. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22431706

Laurent Buhler

[email protected]

Laurent est notre diététicien-nutritionniste attitré. En plus de poursuivre un travail de recherche permanent, sa grande force et particularité résident dans le fait qu'il est détenteur d'un DU de Lecture d'Essais Cliniques : autrement dit, son job, c'est justement de déchiffrer ce que les études racontent vraiment !Nous nous appuyons donc logiquement sur son expertise dans une démarche d'intégrité et de rigueur scientifique.



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