
L’aspartame présenterait de nombreux dangers pour la santé selon les uns, mais serait inoffensif selon les autres. Que savons-nous réellement et avec certitude ?
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Un peu d’histoire
La découverte de l’aspartame
L’aspartame a été découvert en 1965, par hasard, par James Schlatter, un chercheur chimiste de la société Searle qui travaillait sur un traitement de l’ulcère.
En essayant de synthétiser la gastrine, une hormone digestive, il obtient un produit intermédiaire, qu’il goûte accidentellement en léchant son doigt avant d’attraper une feuille de papier.
Il découvre alors avec stupéfaction que la substance, pourtant uniquement constituée d’acides aminés (i.e. des morceaux de protéines), a un goût sucré.
Refus de mise sur le marché de la FDA : les premiers doutes
Quelques années plus tard, la société Searle saisit l’opportunité de cette découverte révolutionnaire, et fait une demande d’autorisation de mise sur le marché auprès de la FDA, l’autorité de régulation américaine des denrées alimentaires et des médicaments.
En juillet 1974, l’édulcorant est autorisé à être mis sur le marché, mais dès l’année suivante, l’autorisation est suspendue face à des doutes sur un potentiel cancérigène, présenté par certains chercheurs.
En 1976, la FDA décide d’enquêter sur les pratiques du laboratoire Searle, et saisit la justice qui ne donnera pas de suite au dossier.
Plus tard en 1979, la FDA nomme une commission indépendante pour évaluer l’aspartame.
Celle-ci signale un possible effet carcinogène à partir d’études menées chez le rat, et se prononce contre l’autorisation de commercialisation en attendant de nouvelles études.
Suspicion de conflit d’intérêt : les doutes redoublent
En 1981, un nouveau président est nommé à la tête de la FDA par une équipe gouvernementale, dont un de ses membres n’est autre que le Président de Searle, et dont le nom ne vous est probablement pas inconnu : Donald Rumsfeld.
Quelques mois plus tard, la FDA décide d’autoriser l’aspartame, ce qui accentuera encore la méfiance… Pourtant, cette autorisation s’est faite avec l’aide des résultats d’une étude indépendante japonaise, qui concluait à l’absence d’effet cancérigène de l’aspartame chez le rat.
En 1985, la société Searle est rachetée par Monsanto, ce qui achève de ternir l’image de l’édulcorant auprès du grand public et de certaines associations.
Alors, l’aspartame : cancérigène ou non ?
L’étude Ramazzini
Compte tenu du fait que les études menées dans les années 70 pour évaluer le potentiel cancérigène de l’aspartame souffraient de plusieurs limitations, la fondation italienne Ramazzini a décidé, à la fin des années 1990, de mettre sur pied une étude qui comblerait les lacunes des précédentes recherches.
Publiés en 2005, les résultats de cette étude ont fait grand bruit, car ils faisaient état d’une augmentation des cas de tumeurs du cerveau chez les rats traités avec de l’aspartame, mais pas chez des rats non traités.
Des scientifiques irréprochables ?
Mais les résultats ont été rejetés par le panel d’experts de l’Agence Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA), dirigé par le Docteur Barlow.
Le problème est que ce docteur a été accusé par plusieurs organisations de travailler pour l’International Life Sciences Institute, une organisation financée par des industriels comme Coca-Cola, Nestlé, et Monsanto.
De plus, un chercheur qui a pris part au rapport européen aurait reçu un financement d’Ajinomoto, le fabricant japonais de l’aspartame.
Pour calmer les esprits, l’EFSA a déclaré dans un communiqué en 2006 :
Le type d’expertise dont nous avons besoin implique presque inévitablement que nous fassions appel à des scientifiques qui ont pu travailler pour l'industrie. Éliminez-les, et il ne reste plus aucun chercheur. Aucun des membres, a-t-il ajouté, n’avait de lien direct ou indirect avec l'aspartame. Les travaux du Docteur Barlow, qui dirigeait le panel d'experts pour l'industrie, ne portaient pas sur les édulcorants. La bourse de recherche d'Ajinomoto, le fabricant japonais d'aspartame, était liée au projet d’un étudiant sur les colorants, pas les édulcorants.
La situation actuelle
Avec un recul de plusieurs dizaines d’années, les résultats des études épidémiologiques commencent à être publiés. Ces études ont pour objet de mettre en évidence un lien entre un comportement alimentaire et la prévalence d’une maladie : elles permettent donc de suggérer l’existence d’un lien, mais pas nécessairement d’une relation de cause à effet.
En 2010, une étude danoise mettait en évidence une relation statistique entre la consommation de boissons édulcorées contenant de l’aspartame et le risque d’accouchement prématuré1. L’EFSA avait conclu qu’aucune preuve disponible dans l’étude ne permettait d’affirmer qu’il existait un lien de causalité entre la consommation de boissons non alcoolisées contenant des édulcorants artificiels et l’accouchement prématuré, mais avait sollicité des données supplémentaires.
En août 2012, c’est un groupe de chercheurs suédois et norvégiens qui confirme ces inquiétudes2. Ils ont eux aussi observé ce lien sur plus de 60 000 femmes suivies : ainsi, les femmes qui ont bu plus d’une boisson édulcorée par jour ont eu 11% de risque supplémentaire d’être victimes d’un accouchement prématuré, comparativement aux femmes qui n’en buvaient pas, mais moins que ceux qui buvaient une boisson sucrée sans édulcorant (une information relayée à l’époque sur notre site).
Les derniers résultats datent de janvier 2013, et sont tirés d’une étude française qui a suivi plus de 66 000 femmes pendant 14 ans : par rapport à celles qui ne consomment pas du tout de boissons sucrées, celles qui en consomment plus de 359 ml par semaine ont un risque de diabète augmenté de 34 % au cours de l’étude, et celles qui boivent plus de 603 ml par semaine de boissons “light” ont un risque multiplié par 2,21.
À quantité égale consommée, le risque de diabète est plus élevé lorsqu’il s’agit de boissons “light” que de boissons sucrées.
Les études épidémiologiques n’ont pas permis de mettre en évidence un risque plus élevé de cancer suite à l’ingestion d’aspartame. Il est donc probable que ce risque soit très faible ou inexistant.
Les risques d’accouchements prématurés et de diabète, même s’ils semblent inquiétants, ne permettent pas de conclure actuellement.
Nous vous invitons à lire l’avis de Thierry Souccar, rédacteur en chef de LaNutrition.fr, à ce sujet. En particulier, ce lien peut s’expliquer par une causalité inversée, c’est-à-dire que les personnes qui boivent des boissons édulcorées le font parce qu’elles sont en surpoids, ou parce que leur état de santé les préoccupe (par exemple en réponse à un diagnostic de glycémie ou de triglycérides élevés ou d’hypertension artérielle), disculpant dès lors l’aspartame et expliquant pourquoi le risque est plus élevé avec l’aspartame que le sucre lui-même.
Pour finir, sachez que le seul édulcorant pour lequel il n’existe aucun doute sur l’innocuité est l’extrait de Stévia, une plante d’Amérique du Sud, considéré comme le plus sûr du monde en raison d’une absence totale de soupçons3. Néanmoins, le bon sens nous amène à conseiller de limiter au maximum l’utilisation de ces produits, qui ne présentent aucun caractère bénéfique ni indispensable !
Nos produits en tout cas, ils ne contiennent pas d’aspartame !
On n’écrit pas nos articles dans le but de vous vendre des produits, mais tellement de lecteurs passent à côté qu’on a décidé de les mettre davantage en avant, pour ceux que ça intéresse. Et puis, on ne peut quand même pas nous reprocher de proposer des produits au top ! 😉
Références
- Halldorsson T.I. et al., Intake of artificially sweetened soft drinks and risk of preterm delivery: a prospective cohort study in 59334 Danish pregnant women. Am. J. Clin. Nutr. 2010, 92: 626-633.
- Englund-Ögge L, Brantsæter AL, Haugen M, Sengpiel V, Khatibi A, Myhre R, Myking S, Meltzer HM, Kacerovsky M, Nilsen RM, Jacobsson B. Association between intake of artificially sweetened and sugar-sweetened beverages and preterm delivery: a large prospective cohort study. Am J Clin Nutr. 2012 Aug 1.
- J.D. Urban, M.C. Carakostas, D.J. Brusick, Steviol glycoside safety: Is the genotoxicity database sufficient?, Food and Chemical Toxicology, Volume 51, January 2013, Pages 386-390, ISSN 0278-6915, 10.1016/j.fct.2012.10.016.