
Le pain est un des aliments les plus anciens, il se pourrait même qu’il ait été cuisiné par certaines populations avant les débuts de l’agriculture1,2. Très ancien donc, mais aussi très répandu puisqu’il se décline sous d’innombrables formes selon les régions du monde : pita, baguette, chapati, naan, focaccia, bun, bagel, bretzel… chaque partie du monde a son pain favori !
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En France, c’est un aliment emblématique, consommé par plus de 90% de la population du pays3. Cependant, cette consommation est en baisse, notamment chez les femmes et les jeunes. En effet, dans un monde très préoccupé par ses apports alimentaires, le pain est souvent estampillé « mauvais aliment ». Mais qu’en est-il vraiment ?

Le pain, une recette simple en apparence
Source de glucides complexes
Le pain fait partie de la catégorie des produits céréaliers, qui sont des féculents. Cela signifie qu’il apporte en grande majorité des glucides complexes. En moyenne le pain apporte 54 g de glucides pour 100 g (CIQUAL). Ces glucides apportent à l’organisme de l’énergie facilement assimilable, et on estime que les besoins du corps humain en glucides complexes représentent 40 à 55% de l’énergie quotidienne ingérée (ANSES).
A savoir
Bien que « non essentiels » au sens strict du terme, puisque le corps sait fabriquer du glucose en cas de besoin vital, les glucides constituent le pourvoyeur le plus direct d’énergie. En dehors de certaines pathologies très particulières, il n’existe pas à l’heure actuelle de consensus scientifique permettant de recommander une éviction partielle ou totale des glucides dans l’alimentation quotidienne. Ainsi, dans la mesure où on les apprécie et digère sans difficultés, il n’y a pas forcément lieu de s’en priver.
Le cerveau consomme à lui seul entre 120 et 140 g de glucose par jour, soit l’équivalent d’une baguette entière de 250 g !
Seulement 3 ingrédients de base
Si la boulangerie demande un réel savoir-faire technique et permet une variété impressionnante de types de pains, il n’en demeure pas moins que la recette de base ne contient que 3 ingrédients : de la farine, de l’eau et du sel. Auxquels s’ajoute souvent un 4ème ingrédient sous la forme d’un agent de fermentation, levure ou levain.
Levain ou levure : quelle différence ?
La levure
La levure de boulangerie est composée d’un mélange de différentes souches de Saccharomyces cerevisiae, une espèce de champignon unicellulaire. Ces organismes utilisent la fermentation alcoolique pour survivre en absence de dioxygène : elles consomment certains glucides du pain et libèrent de l’alcool (éthanol) et du dioxyde de carbone. C’est le CO2 issu de ce processus (et dans une moindre mesure de la respiration cellulaire) qui fait lever le pain en formant des bulles. Ces bulles sont alors emprisonnées dans la pâte en partie grâce au gluten, qui confère à cette dernière des propriétés élastiques. L’éthanol libéré est un composé très volatil et s’évapore rapidement lors de la cuisson.

Le levain

Le levain, lui, est une pâte composée de farine de blé et/ou de seigle, d’eau et éventuellement de sel.
Il contient un mélange de bactéries acidifiantes, utilisant les fermentations lactique et acétique et de levures qui permettront la levée de la pâte4.
Des propriétés organoleptiques et physico-chimiques différentes
Les deux ferments n’utilisent pas le même type de fermentation, ce qui donne au pain des propriétés différentes.
Le processus de fermentation lactique du levain et notamment la production d’acide qui a lieu donne au pain certaines caractéristiques spécifiques. Le pain au levain est plus parfumé, légèrement acidulé, mais moins levé.

Au-delà de l’aspect organoleptique, la baisse du pH et l’action des multiples micro-organismes du levain entraînent une altération des caractéristiques physico-chimiques des produits finis :
Dégradation des protéines présentes dans les céréales, ce qui peut réduire les allergies et intolérances liées à ces protéines (dont le gluten) ;
Rétrogradation de l’amidon favorisée, processus qui rend le pain plus « complexe » à digérer. Cette caractéristique fait du pain au levain un produit intéressant pour les personnes diabétiques, car elle réduit potentiellement le pic d’insuline lié à la consommation de pain ;
Stimulation de l’activité des phytases endogènes du grain, qui dégradent l’acide phytique. L’acide phytique est un composé naturellement présent dans l’enveloppe du grain, qui a la capacité de fixer les minéraux et de les rendre inaccessibles. Si les phytases sont stimulées, le pain contient donc plus de minéraux disponibles !4,5,6,7
La fermentation au levain a donc un fort potentiel pour améliorer les qualités nutritionnelles du pain, les études restant tout de même à être approfondies.
Cependant, les avantages techniques et gustatifs du pain levé à la levure en font le produit majoritairement consommé.
Il lève plus vite et mieux, ce qui est un avantage notoire pour sa production, et ce qui lui donne une texture légère et moelleuse très appréciée du consommateur.

Parmi ces pains non fermentés, l’élément faisant sensiblement varier la qualité du pain est le type de farine utilisé. De nombreuses céréales sont utilisées en panification, mais la plus connue et la plus consommée en France reste le blé.
Les différents types de farines de blé
Zoom sur un grain de blé
Le grain de blé est constitué de plusieurs parties, à la manière d’un œuf :
- L’équivalent du jaune, le germe, contient des lipides et des fibres.
- L’albumen (ou amande), qui serait donc le blanc, contient lui principalement de l’amidon, donc des glucides.
- Enfin l’écorce (ou son) sert de protection comme la coquille, et contient principalement des fibres, des sels minéraux et des vitamines.

Selon les farines, on ne garde pas toujours la totalité de ces éléments. Plus une farine est tamisée (par abus de langage, elle est dite raffinée, bien qu’elle ne subisse pas de transformation chimique), plus on retire des éléments du grain, notamment son écorce. Ceci entraîne une grande différence de qualité nutritionnelle entre les pains selon la farine utilisée.
Le taux de cendres
Les farines de blé sont qualifiées par la lettre T pour Type suivie d’un nombre. Ce nombre correspond au « taux de cendres » et indique la quantité de cendres, en milligrammes, produite par la combustion de 100 g de la farine concernée.
Plus le taux de cendres est élevé, plus la farine contient d’éléments minéraux (donc qui ne brûlent pas), et moins elle est tamisée.
6 types de farines
Il existe 6 types de farines qui correspondent à plusieurs degrés de tamisage :
- Les blanches : T45 (surtout utilisées en pâtisserie), T55 et T65
- Les farines bises ou semi-complètes : T80
- Les farines complètes : T110
- Les farines intégrales (ces dernières contiennent tous les éléments du grain de blé, aucun tamisage n’a lieu8) : T150

Face à une composition aussi simple, on peut légitimement se demander pourquoi le pain est si souvent diabolisé. Que peut-il y avoir de si terrible avec si peu d’ingrédients ?
Des croyances et des idées reçues
« Le pain fait grossir »
Tout d’abord, comme on peut le lire dans la leçon n°1 sur la balance énergétique, aucun aliment ne fait grossir en soi. Ce qui fait grossir, c’est de manger plus que ses besoins. Or avec environ 280 Kcal aux 100 g, une baguette de pain est très modérément calorique.
Par ailleurs, comme évoqué auparavant, les féculents sont la base d’une alimentation complète et équilibrée, et permettent de participer aux apports énergétiques de la journée.
Il reste alors la notion d’index glycémique, selon laquelle le pain, en particulier lorsqu’il est blanc, élèverait la glycémie si rapidement que notre corps se mettrait à sécréter de grandes quantités d’insuline, dont l’une des conséquences serait la prise de poids.
Sans rentrer dans un débat trop technique, cette explication physiologique n’est non seulement pas avérée, mais surtout, lorsque le pain est pris au cours d’un repas diversifié et équilibré, l’index glycémique perd totalement de sa pertinence.
Si l’on rajoute la notion de charge glycémique, qui prend en compte la quantité de pain ingérée, on réalise qu’entre consommer un bout de pain pendant le repas ou une baguette entière, le résultat pourrait ne pas être le même (bien que tout dépende du reste de votre alimentation) !
« Le pain contient du gluten »
La suppression du gluten est évidemment pertinente pour les personnes atteintes de la maladie cœliaque ou déclarées hypersensibles au gluten. En dehors de ces cas particuliers, il n’est pas prouvé, en l’état actuel de la science, que la suppression du gluten soit susceptible d’apporter un bénéfice clinique à tout le monde (ce qui ne veut pas dire non plus que certaines personnes ne peuvent pas en ressentir un bienfait).
Il est possible de choisir de ne pas en consommer ou d’en consommer moins, en se basant sur ses sensations. Cependant, le consensus scientifique sur le sujet reste plus que flou, pour ne pas dire inexistant (en dehors du cas particulier de la maladie cœliaque évidemment). La grande majorité des études randomisées publiées sur le sujet n’est pas parvenue à donner de preuves tangibles de l’existence d’une sensibilité non cœliaque au gluten, et rien ne prouve à ce jour que le gluten serait intrinsèquement mauvais pour la santé.
Bien évidemment, il ne s’agit pas de remettre en cause ici le témoignage ni le ressenti de ceux qui notent une amélioration de leur état de santé ou de leur digestion avec la suppression du gluten, mais simplement d’indiquer qu’on ne dispose pas encore d’éléments scientifiques solides pour confirmer cette hypothèse, et que d’autres pistes sont envisageables, comme vous pourrez le lire en consultant l’article sur les FODMAPs de mon confrère Laurent.
A retenir
En conclusion, le pain a réellement sa place dans un régime alimentaire équilibré, c’est un aliment énergétique, savoureux, polyvalent et pratique. Les seules contre-indications à la consommation de pain sont les suivantes :
Allergie au blé (pour le pain à base de farine de blé)
Régime pauvre en FODMAPs
Intolérance au gluten ou maladie cœliaque
Régime hyposodé (hypertension, problèmes rénaux)
Toutefois, il est nécessaire d’être vigilants sur certains points pour ne pas faire du pain un aliment piège.
Comment bien consommer son pain ?
Une industrie trompeuse
Malgré la simplicité du produit de base, le monde industriel et notamment les produits de panification des supermarchés peuvent cacher de nombreux autres ingrédients derrière l’appellation pain :
- Matières grasses (huile de colza dans le pain de mie) ;
- Sucre (pain de mie, pains à burgers…) ;
- Additifs : le pain, sauf certaines appellations contrôlées, peut contenir les additifs énumérés par la directive 95/2/CE de l’Union Européenne, dont le nombre monte à plus de cent9.(7)
Pas forcément problématique en soi, c’est le manque de transparence qui pose réellement souci. Car ces ingrédients sont souvent cachés, ou difficilement accessibles, ce qui fait que le consommateur n’a pas toujours conscience d’avaler matières grasses, sucres et additifs divers en mangeant un produit aussi simple en apparence que le pain.
Pour être bien sûr de ce que l’on consomme, mieux vaut prendre le temps d’analyser les étiquettes lorsque l’on achète du pain en supermarché. Acheter son pain en boulangerie ne prémunit pas non plus des additifs et des malfaçons, mais les pains qui y sont produits ne sont pas destinés à la longue conservation et sont donc exempts de certains ajouts.

L’idéal est de se tourner vers des appellations comme celle de la “tradition”, dont le nom est protégé par une législation stricte10.
Un mode de consommation parfois inadapté
Parfois, c’est notre mode de consommation qui peut également être à l’origine de complications, pas le pain en lui-même !
Consommer la baguette encore chaude
Quand la baguette est encore chaude, cela signifie qu’elle contient encore du gaz carbonique, et cela peut créer des ballonnements chez les personnes sensibles. Alors, sans forcément se priver de ce délice (car il faut bien l’avouer, ça peut en être un !), allez-y avec parcimonie et contentez-vous d’un petit morceau 😋
Consommer la moitié de la baguette sur le retour de la boulangerie
Souvent, la portion de pain consommée le sera en plus du repas normal, ce qui peut rapidement mener à un excès énergétique quotidien. Pour le coup, c’est ce que l’on appelle du grignotage, alors au pire, essayez de vous en tenir au quignon et de ne pas terminer la baguette sur le chemin du retour 😅
Consommer du pain en plus de la portion de féculents du repas
En théorie, on devrait équilibrer nos apports en féculents, et réduire le pain en fonction des féculents consommés (et vice versa). Cela est surtout vrai si votre repas est déjà principalement constitué de féculents (pâtes, riz, pizza…), dans ce cas le pain n’apportera rien de plus que des calories vides.
Négliger les autres catégories d’aliments
Le pain fait partie de la portion de glucides quotidienne, mais de nombreux autres nutriments sont tout aussi importants. Le maître mot de l’équilibre alimentaire ? La variété !
Comment choisir son pain ?

Nous l’avons dit, la grande différence entre les pains vient de la farine utilisée. Le tableau suivant récapitule les caractéristiques des pains les plus consommés :
Type de pain | Farine et ferment utilisés | Micronutriments | Fibres | Conservation | Qualité organoleptique |
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Baguette | Farine de blé T55 – Levure | Présence de quelques minéraux | 3% | Se conserve 24h | Goût sucré et croûte légère et croustillante |
Baguette ou pain tradition | Farine de blé T65 – Levure | Présence de quelques minéraux | 3,8% | Baguette : 24h – Pain : 3 à 4 jours | Moins sucrée que la baguette, croûte plus épaisse |
Pain de seigle* | Farine de seigle (min 65%) – Farine de blé | Richesse en magnésium | 6% | Conservation jusqu’à 5 jours | Pain noir au goût fort et très parfumé, texture |
Pain intégral ou complet | Farine de blé T150 ou T110 – Levure | Richesse en oligoéléments et vitamines du groupe B | 6,9% | Se conserve une semaine | Goût parfumé et rustique, texture plus sèche |
Pain au levain | Farine de blé T65 – Levain | Accessibilité des minéraux potentiellement accrue | 3% | Se conserve largement plus d’une semaine | Plus compact, plus acide et parfumé |
Pain aux céréales | Farine de blé T65 – Levure | Selon les céréales apports de micronutriments et acides gras bénéfiques | Variable selon les céréales utilisées | – | Selon les céréales utilisées |
*Attention à ne pas confondre le pain de seigle et le pain au seigle. Le pain au seigle ne contient que 10 à 35% de farine de seigle, contre 65% minimum pour le pain de seigle.
Le pain est un aliment sain lorsqu’on évite quelques modes de consommations problématiques. Il se décline en diverses variétés, notamment différenciées par la farine utilisée.
Bien sûr, le premier argument pour choisir son pain reste le goût personnel. Certains apprécient l’acidité du levain, d’autres préfèrent le goût fort du seigle, quand d’autres encore ne pourraient renoncer à leur baguette plaisir.
En termes de santé, les adeptes des fibres alimentaires iront plutôt vers les pains complets ou de seigle, quand les personnes au transit fragile préféreront le pain au levain. Ce dernier semble potentiellement de meilleure qualité nutritionnelle que le pain à la levure, grâce à son processus de fermentation complexe.
Comme toujours, l’idéal est de varier pour ne pas tomber dans l’excès. Aussi, faire bien attention à la provenance du produit et à la qualité de fabrication peut tout changer, surtout dans le cas d’un aliment aussi massivement produit.
L’idéal est de trouver une boulangerie de confiance et de discuter avec le boulanger ou la boulangère. On fait fonctionner le commerce local, on crée du lien et on s’assure de manger du bon pain !
La spiruline, vous connaissez ?
Alors non, ça n’a rien à voir avec du pain 😂
D’ailleurs, c’est plutôt une source de protéines que de glucides, mais ça en fait un super allié pour les sportifs ou bien en période de régime 💪
On vous explique tout ce que ça peut apporter par ici ⬇️
Références
- https://www.pourlascience.fr/du-pain-avant-les-debuts-de-lagriculture-14472.php
- Arranz-Otaegui A, Gonzalez Carretero L, Ramsey MN, Fuller DQ, Richter T. Archaeobotanical evidence reveals the origins of bread 14,400 years ago in northeastern Jordan. Proc Natl Acad Sci U S A. 2018 Jul 31;115(31):7925-7930. doi: 10.1073/pnas.1801071115. Epub 2018 Jul 16. PMID: 30012614; PMCID: PMC6077754.
- http://www.observatoiredupain.fr/content/documents/44c3fd09-6808-41d1-80ee-bd9ee2442aa9.pdf
- https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000727617/2020-12-08/
- Rizzello CG, Portincasa P, Montemurro M, Di Palo DM, Lorusso MP, De Angelis M, Bonfrate L, Genot B, Gobbetti M. Sourdough Fermented Breads are More Digestible than Those Started with Baker’s Yeast Alone: An In Vivo Challenge Dissecting Distinct Gastrointestinal Responses. Nutrients. 2019 Dec 4;11(12):2954. doi: 10.3390/nu11122954. PMID: 31817104; PMCID: PMC6950244.
- Gobbetti M, Rizzello CG, Di Cagno R, De Angelis M. How the sourdough may affect the functional features of leavened baked goods. Food Microbiol. 2014 Feb;37:30-40. doi: 10.1016/j.fm.2013.04.012. Epub 2013 May 16. PMID: 24230470.
- Poutanen K, Flander L, Katina K. Sourdough and cereal fermentation in a nutritional perspective. Food Microbiol. 2009 Oct;26(7):693-9. doi: 10.1016/j.fm.2009.07.011. Epub 2009 Jul 18. PMID: 19747602.
- K. Katina, E. Arendt, K.-H. Liukkonen, K. Autio, L. Flander, K. Poutanen, Potential of sourdough for heathier cereal products, Trends in Food Science & Technology, Volume 16, Issues 1–3, 2005, Pages 104-112, ISSN 0924-2244
- Manuel Connaissance des aliments, Emilie Frédot
- https://www.boulangerienet.fr/bn/bnweb/dt/additif.php