
La pomme de terre est quelque peu décriée et a plutôt mauvaise réputation. Que lui reproche-t-on au juste, et est-ce justifié ? Nous allons voir dans cet article que c’est sans doute (très) exagéré… En plus de vous donner quelques conseils et astuces pour en tirer le meilleur profit !
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Petit rappel historique
Originaire des Andes où elle est cultivée depuis plus de 10 000 ans, la pomme de terre (ou patate) fait aujourd’hui parti de notre culture et de notre patrimoine gastronomique.
Féculent roi de nos campagnes et du siècle dernier, elle est appelée “pain des pauvres” par Louis XVI.
D’ailleurs, la fameuse recette de pomme de terre bouillie (appelée plus tard “en robe de chambre”), nappée de beurre fondu, date de plus de 400 ans !
La mauvaise réputation
Pour autant, autrefois célébrée (la pomme de terre a en effet sauvé des milliers de vies durant quelques famines qu’a connue la France au cours de son histoire, et a contribué à faire disparaître ces dernières), les pommes de terre sont aujourd’hui décriées, voire honnies par certains extrémistes de l’hygiène alimentaire.
Selon les écoles, les raisons sont multiples : les adeptes du régime Paléo (très à la mode ces derniers temps, en particulier aux Etats-Unis) dénoncent son arrivée tardive à l’échelle de l’évolution humaine ; d’autres décrient son index glycémique faramineux ; d’aucuns encore mettent en avant le fait que les solanacées (une famille à laquelle appartient la pomme de terre, mais également la tomate, l’aubergine ou encore le piment) agressent nos intestins.
La pomme de terre mérite-t-elle cette réputation de dernier de la classe ?
Richesse nutritionnelle de la pomme de terre
Capacité antioxydante
La pomme de terre est un aliment qui réserve quelques surprises lorsqu’on se penche sur ses qualités nutritionnelles.
Elle contient tout d’abord des antioxydants, comme de l’acide chlorogénique (que l’on retrouve également dans le café), ou des catéchines (que l’on retrouve dans le vin rouge ou le thé vert), et ce d’autant plus que la chair de la pomme de terre est colorée (jaune, rouge, bleue ou violette).
Les pommes de terre violettes contiennent même des anthocyanosides, que l’on retrouve également dans les myrtilles, les cerises ou les mûres.
A noter que lors du classement de divers fruits et légumes selon leur capacité antioxydante (i.e. TAC, de l’anglais Total Antioxidant Capacity), la pomme de terre est arrivée en 5ème position, devant le brocoli, le chou ou les tomates.
Source de vitamines et de potassium
La pomme de terre est également une source de vitamine C (mais sa teneur dépendra surtout du mode de préparation et de cuisson), de vitamine B6 et de magnésium.
Amidon résistant
Un autre intérêt de la pomme de terre réside dans son “amidon résistant ». En effet, comme c’est également le cas pour les légumineuses ou la banane verte, une fraction de l’amidon des pommes de terre résiste à la digestion. Comme les fibres, cet amidon résistant sera fermenté dans le côlon, et contribuera au bon équilibre de la flore intestinale.
L’amidon résistant a fait l’objet de plusieurs études sur les animaux et les humains depuis de nombreuses années. Il induirait plusieurs bénéfices, dont une diminution des lipides sanguins, une protection du côlon contre les attaques de certains micro-organismes, et préviendrait même certains cancers.
Et les critiques : sont-elles fondées ?
L’arrivée tardive à l’échelle de l’évolution
Tout d’abord, l’argument selon lequel notre organisme tolèrerait mal les pommes de terre, sous prétexte qu’elles sont arrivées tardivement dans notre alimentation à l’échelle de l’évolution, ne repose sur aucune base scientifique.
S’il est naturel de penser que nous sommes “programmés” pour bien assimiler la nourriture avec laquelle l’Homme a évolué pendant des millions d’années, la réciproque n’est pas toujours vraie, et le cas de la pomme de terre ne semble poser aucun problème dans la littérature scientifique.
La question de l’index glycémique
Concernant son index glycémique, notons qu’il varie nettement d’une espèce à une autre, et parfois même au sein d’une même espèce, selon le terroir. En outre, si l’index glycémique reste un indicateur, il ne doit pas être un critère unique de discrimination des glucides…
Ainsi, par exemple, une pomme de terre en robe de chambre recouverte d’une noix de beurre ou d’huile d’olive, le tout accompagné de légumes, n’affolera pas plus que ça votre insuline (et ce d’autant plus s’il s’agit d’une Nicola ou d’une Pontiac, réputées pour leur index glycémique modéré).
Mieux encore, une pomme de terre bouillie puis refroidie à consommer en salade, arrosée de vinaigre, aura vraisemblablement un index glycémique très modéré, dû à l’effet conjoint de la rétrogradation de l’amidon et de l’acidité du vinaigre.
Et l’agression des intestins ?
Attention toutefois : il est effectivement possible que chez des personnes souffrant d’intestin irritable, la pomme de terre puisse aggraver la situation.
Si vous souffrez de tels maux ou que vous semblez mal digérer les pommes de terre, inutile d’en consommer.
La pomme de terre contient de surcroît des solanines, composés qui peuvent être toxiques à haute dose. Ils se logent dans la peau et juste en dessous, et se développent surtout si vous conservez vos pommes de terres trop longtemps ou dans des conditions inadaptées. Si la peau de vos pommes de terre verdit ou que des petits bourgeons apparaissent, c’est le signe qu’il faut éplucher une certaine épaisseur, afin de se débarrasser des solanines.
Au final, la pomme de terre reste un féculent intéressant, et nous ne voyons aucune raison de la supprimer de vos tables.
Si certains adulent la patate douce, car elle ne possède aucun des inconvénients de la pomme de terre, les caractéristiques nutritionnelles de chacune les rendent en réalité assez complémentaires : la patate douce est plus riche en vitamine A et en fibres, mais la pomme de terre est plus riche en potassium, magnésium et fer.
L’une n’est donc pas nécessairement meilleure que l’autre, elles sont différentes et n’appartiennent d’ailleurs pas à la même famille.
En revanche, cela ne veut bien sûr pas dire que vous pouvez vous gaver de frites et de chips ! Ces dernières cumulent en effet beaucoup de mauvais points : index glycémique très élevé, et surtout, présence d’acrylamides, qui sont des composés toxiques et potentiellement cancérigènes.
En fin de compte, plus que l’aliment lui-même, c’est réellement la préparation et le mode de cuisson qui va compter.
En pratique donc :
- Achetez plutôt des variétés à chair colorée (jaune, rouge, bleu ou violette).
- Cuisez-les à basse température.
- N’hésitez pas à les consommer en salade : une salade de pommes de terre vitelottes avec de l’huile d’olive, du citron, et une pointe d’ail est un véritable délice !
- Si les pommes de terre sont dites “nouvelles », n’hésitez pas à les consommer avec la peau ; autrement, épluchez-les généreusement.
- Enfin, stockez-les à l’obscurité, au frais et au sec, tout en évitant le réfrigérateur, qui favorisera la formation d’acrylamides à la cuisson.
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On n’écrit pas nos articles dans le but de vous vendre des produits, mais tellement de lecteurs passent à côté qu’on a décidé de les mettre davantage en avant, pour ceux que ça intéresse. Et puis, on ne peut quand même pas nous reprocher de proposer des produits au top ! 😉
Références
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